Critique : Scream 4

Un film de Wes Craven. Avec Neve Campbell, David Arquette, Courtney Cox. Sortie le 13 avril 2011.

 

Ghostface revient et il n’est pas content. L’opus de trop ? Tremblez jeunes mécréants !

 

Note : 3/5

 

Il y a quinze ans, Scream redonnait un gros coup de peps au cinéma d’horreur en détournant allégrement les codes du slasher. Succès surprise au box-office, le film engendre rapidement une suite. Une franchise est née. Dix ans après le mal aimé Scream 3, que reste t il de l’héritage laissé par le plus cinéphile des tueurs ? C’est la question que se posent Wes Craven et Kevin Williamson à l’heure où une nouvelle génération de cinéphages a pris le relais ne jurant plus que par les torture porn et autres remakes de bon aloi. Papy Craven aurait-il perdu son mojo ? On serait tenté de le croire tant son parcours en tant que réalisateur n’a cessé depuis d’être jonché d’accidents industriels allant du pathétique Cursed à l’hitchcockien mais très inégal Red Eye. Paradoxalement, c’est en bénissant les relectures de ses œuvres premières (La Colline a des yeux, La Dernière Maison sur la gauche) que l’ex ( ?) maitre de l’horreur s’est refait une santé. Résigné ou réaliste, le père Craven ? Les deux mon général, surtout quand les remakes sont considérés meilleurs que les originaux. De quoi avoir le mort aux dents ! Il était donc temps que le roi reprenne sa couronne.

 

David Arquette dans "Scream 4" de Wes Craven

 

Donc acte avec Scream 4 qui prône le retour aux sources dans tous les sens du terme à l’heure où notre rapport au monde et à la violence par le médium cinématographique se sont trouvés radicalement chamboulés. Le jeu a changé. Ça tombe bien, la société aussi. Une optique à double tranchant car si elle témoigne d’une certaine vigueur, elle se pare aussi d’un propos assez réac’ et pantouflard sur les dérives d’une époque où les réseaux sociaux ont pris le pouvoir, exacerbant les rêves de célébrité d’une génération en manque de reconnaissance. Soit peu ou prou la même thématique que le film matriciel adaptée ici à l’ère du 2.0. Sauf que voilà : là où Scream premier du nom faisait preuve d’une ironie mordante, ce quatrième opus, lui, privilégie un certain cynisme allant probablement de pair avec le parcours professionnels de ses instigateurs, englués depuis quinze ans dans une mouvance qu’ils n’ont peut être pas totalement maitrisé. D’où de constants jeux de miroirs avec Scream comme autant de clins d’œil un peu trop appuyés au spectateur, comme si Craven et Williamson tentaient constamment de faire la nique à la nouvelle salve de films d’horreurs post Scream. Un besoin de supériorité cristallisé dans un « Don’t fuck with the original » final au gout désespérément amer. Une approche plus réflexive que méta qui, à force d’être trop centrée sur elle même, phagocyte la mise en scène d’un Craven en mode automatique.

 

Neve Campbelle dans "Scream 4" de Wes Craven

 

 

Reste que dans tout ce marasme Scream 4 procure un certain plaisir de ceux rarement ressentis devant un film d’horreur. A la question : « la saga Scream est elle en train de renaitre de ses cendres? » ce 4ème volet répond par un sanglant et méthodique OUI. Mises à mort sournoises, teens délurés en forme de chair à couteau, tous les ingrédients sont là pour nous faire frissonner de plaisir. En cela, on peut aisément affirmer que Scream 4 est le meilleur Craven depuis dix ans, tant il renoue avec une certaine tradition du slasher où le plaisir du jeu (mais qui est donc le tueur ?) n’a d’égal que la brutalité des meurtres. Un aspect frontal à défaut d’être inventif, empreint d’une certaine forme de rage qui plaira à coup sûr aux aficionados persuadés d’avoir définitivement perdu Craven dans les limbes de l’opportunisme rampant. Plus en forme que jamais, Ghostface torture ses victimes avec une malice que n’auraient pas reniés Billy Loomis et Stu . On regrettera juste que ce nouvel opus n’aille pas jusqu’au bout de sa réflexion , préférant dénoncer bêtement (le tueur filme ses meurtres oui mais après ?) au lieu de s’approprier ces nouveaux outils inscrivant l’homme dans l’ère de l’instaneité. Il y avait là matière à ancrer définitivement la saga dans cette nouvelle ère et pondre un « Scream 2.0 « digne de ce nom.Un défaut à mettre au crédit des réécritures opérées par Ehren Kruger (remplaçant de Williamson sur Scream 3) ? Difficile à dire tant l’empreinte du créateur de Dawson se fait sentir. Mais ne boudons pas notre plaisir car si le coté « coup de pied dans la fourmilière » tient plus du coup de poignard dans l’eau, l’esprit Scream est bien là, palpable au détour de séquences tendues à souhait.

 

Rory Culkin et Hayden Pannetiere dans "Scream 4" de Wes Craven

 

Le casting est lui aussi à l’avenant avec, en premier lieu, un réel plaisir à retrouver les survivants de Woodsboro. Portant inlassablement les stigmates de leurs épreuves, Dewey, Gale et Sidney évoluent tant bien que mal dans un environnement changé malgré une apparente immuabilité. C’est bien ce décalage qui nous raccroche en tant que spectateur à cette nostalgie dont Scream 4 joue énormément, peut être trop même. Face à eux, seuls quelques djeun’s parviennent à ne pas faire grise mine avec, en tête de gondole, Rory Culkin (voleur de scènes professionnel) et Hayden Pannetiere, dont les danses amoureuses se révèlent étonnamment touchantes. On aura plus de réserves concernant Emma Roberts en ersatz de Sidney tentant autant que faire se peut de reproduire de manière un peu biaisée la virginale innocence de son modèle. Mais ce ne sont que broutilles, la voix trafiquée de Ghostface -toujours aussi flippante- parvenant à nous faire croire sans mal que tout est encore possible. Ce ne sera peut être pas pour cette fois mais ça reste un bon début. Est-il donc possible d’être mitigé devant Scream 4 tout en étant fan du premier ? Définitivement oui, et c’est, paradoxalement, l’une des moindres qualités de ce nouveau jeu de massacre.

 

 

Slasher au sens noble du terme, Scream 4 aurait toutefois gagné à jouer davantage la carte de l’innovation. Dommage. Restent quelques frissons et un Ghostface toujours aussi dérangeant.