Critique : Les Aventures de Tintin – Le Secret de la Licorne

 

Un film de Steven Spielberg. Avec Jamie Bell, Andy Serkis, Daniel Craig. Sortie le 26 octobre 2011.

 

Steven Spielberg et Peter Jackson redonnent vie au mythique héros d’Hergé. Ca va secouer, tonnerre de Brest !

 

Note : 4/5

 

Projet au long cours (et au grand cœur seraient on tentés de dire), l’adaptation de Tintin par Steven Spielberg s’apprête enfin à débouler sur grand écran. Alors grosse baudruche ou émerveillement de tous les instants ? La réponse B mon capitaine ! A la question tonton Spielberg a t –il cédé au cynisme ambiant ? Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne répond par un non franc et massif, invoquant une candeur somme toute spielbergienne là où d’autres auraient optés pour le divertissement bas de plafond privilégiant la surenchère vaine au détriment de toute personnalité. Sauf que voilà, ce Tintin là est le fruit de l’alliance entre deux géants, Steven Spielberg et Peter Jackson qui n’ont jamais caché leur gout pour le romanesque. Peu surprenant  au fond qu’ils se soient attaqués à cette mythique figure de la BD tant ses aventures contiennent tous les ingrédients inhérents au cinéma qu’ils affectionnent. Œuvre bicéphale, Tintin porte inlassablement le sceau de ses auteurs comme si à l’humour bon enfant du second ne pouvait répondre que la mise en scène très maitrisée et inspirée du premier.

 

© Sony Pictures

 

Ici, Spielberg confirme son statut de magicien du 7ème art, sorte de touche à tout de la pellicule qui prône l’exploration des genres avec l’enthousiasme d’un môme devant un jeu de construction. Ainsi, la performance capture lui permet de creuser un peu plus ce sillon et de pousser jusque dans ses retranchements un procédé qu’on croyait à son zenith. Et alors qu’on pouvait légitimement penser que tonton Steven peinerait à se démarquer de Robert Zemeckis, il balaie rapidement toutes nos craintes d’un beau revers de caméra. En s’essayant à un nouveau genre, l’animation, Spielberg se met en danger et mélange, dilue jusqu’à plus soif tel un alchimiste de l’entertainment à qui on aurait donné les clefs du plus grand laboratoire du monde. D’une incroyable fluidité, sa réalisation nous emporte littéralement au gré des péripéties de Tintin et du Capitaine Haddock et, à l’image d’un grand huit, ménage ses effets pour mieux nous entrainer dans sa tumultueuse ronde. Chaque image fourmille d’une multitude de détails injectant au métrage une  richesse folle. C’est beau, trépidant et souvent très drôle. A n’en pas douter, le papa d’Indiana Jones signe ici LE film d’aventure ultime, renouant avec le souffle épique de La Dernière Croisade à grands renforts de poursuites, punchlines et autres seconds couteaux géniaux.  Et si Le Secret de la Licorne est un tour de force technique il l’est tout autant d’un point de vue narratif. Pas étonnant quand on s’adjoint les services de Steven Moffat (Doctor Who), Edgar Wright (Scott Pilgrim vs the World) et Joe Cornish (Attack the block) pour coucher sur papier un tel matériau de base. En bons trublions UK aimant bien bousculer les conventions, le trio infernal parvient à réactualiser le mythe tout en restant d’une fidélité absolue via un humour omniprésent et une réelle rythmique narrative.

 

 

© Sony Pictures

 

Que les puristes se rassurent : point d‘hérésie ici ni de libertés révoltantes, ce Tintin là préserve l’esprit d’Hergé tout en l’adaptant aux outils cinématographiques actuels. Archi respectueux des œuvres originales, le duo Spielberg/Jackson a bien compris que ce qui faisait la substantifique moelle des aventures de Tintin résidait aussi dans son panorama de portraits croustillants. Le reporter aventurier et vertueux avec lequel nous avons tous grandi n’a rien perdu de sa superbe et l’amour évident que lui porte ses géniteurs cinématographiques transparait au détour des innombrables clins d’œil qui ponctuent le métrage. Chapeau bas à  Jamie Bell qui incarne un Tintin très crédible, intrépide et curieux malgré un coté légèrement désincarné. Il faut dire qu’en face de lui, il a un capitaine Haddock plus vrai que nature. Une performance que l’on doit à l’immense Andy Serkis (qu’on lui file un oscar mille milliards de mille sabords !) qui a su parfaitement capter l’essence du personnage via un travail gestuel et vocal confondant d’authenticité. Bougon, touchant et terriblement drôle, il correspond exactement à l’image qu’on se fait de ce marin d’eaux sauvages. Mieux, il EST  Haddock dans toute sa complexité, (anti) héros à la fois drôle et tragique, pathétique et attachant. Le reste de la troupe est à l’avenant et symbolise parfaitement la symbiose acteurs/CGI : Daniel Craig (Sakharine) inquiète, Simon Pegg et Nick Frost (Dupont et Dupond) amusent, tandis que Gad Elmaleh (Ben Salaad) apparait furtivement. Chacun donne corps de manière parfaitement identifiable à des personnages qui auraient pu vite être réduits à l’état d’enveloppes vides. Spielberg utilise le virtuel pour nous renvoyer aux émotions bien réelles du cinéma d’aventure à l’ancienne. Il plane sur ce Tintin l’ombre des serials d’antan reproduits avec démesure et générosité. A la croisée des chemins, le dernier né de Spielberg fait la jonction entre sensibilités européennes et hollywoodiennes, prouvant, si besoin est, que tout matériau n’est pas voué a être expurgé de sa substance s’il passe à la moulinette du blockbuster.
 
 

A défaut de transcender l’album d’Hergé, Steven Spielberg le retranscrit avec un amour et une fidélité qui inspirent le respect. Le géniteur d’E.T. s’amuse et retrouve son âme d’enfant, du coup nous aussi !