Critique : Hugo Cabret

 
Un film de Martin Scorsese. Avec Asa Butterfield, Chloe Grace Mortez, Ben Kingsley. Sortie le 14 décembre 2011.

 

Quand le réalisateur des Affranchis décide de s’adresser aux enfants, le résultat ne peut être qu’hors normes. Sacré Marty !

 

Note : 4/5

 

Après son énigmatique et efficace Shutter Island et un passage par le documentaire (Public speaking et George Harrison : Living in a material world) et la petite lucarne (Boardwalk Empire), Martin Scorsese revient au grand écran avec une adaptation d’un roman en hommage aux films muets et en particulier à ceux de Georges Méliès. Qui de mieux qu’un cinéaste cinéphile tel que Martin Scorsese pour porter cette histoire de jeune garçon perdu dans la gare Montparnasse des années 30 ? Il est clair que l’enfance du cinéaste dans le « Little Italy » du New York de la fin des années 40 trouve un écho dans ce récit où la figure paternelle fait office de conteur mais aussi d’inspiration. Le roman graphique de Brian Selznick (L’Invention d’Hugo Cabret) sied donc à l’univers du réalisateur dont l’adaptation écrite par John Logan, développe certains personnages comme le chef de gare (Sacha Baron Cohen) ou diminue d’autres comme celui d’Isabelle (Chloë Grace Moretz). Cette dernière entraîne Hugo dans l’aventure sans toutefois être son complément majeur. La thématique du mécanisme est ici bien utilisée, de l’horlogerie à l’automate trouvé par Hugo en passant par la jambe blessée du chef de gare pendant la Grande Guerre. Ce sont à la fois des rouages qui entraînent ou précipitent une action, la bloque ou résistent aux sentiments humains… En somme, une métaphore de la mécanique du scénario.

 

© Metropolitan Filmexport

 

Il faut saluer ici la qualité du casting avec, en première ligne, le jeune Asa Butterfield alias Hugo Cabret dont les yeux bleus semblent déteindre sur cette vision de Paris. Le travail des couleurs du chef opérateur Robert Richardson s’en ressent au même titre que les costumes de Sandy Powell et des décors grandioses de l’illustre Dante Ferretti. Le jeune garçon perdu est complété par l’espiègle Chloë Grace Moretz vue dans Kick Ass, et un impeccable Sacha Baron Cohen quasi burlesque en chef de gare épris de la délicieuse fleuriste Emily Mortimer. Les perles de ce casting viennent surtout du couple Méliès incarné par Ben Kingsley et Helen McCrory. Ces deux acteurs témoignent d’une grande justesse et d’une belle sincérité. N’oublions pas les brefs passages de Jude Law et Ray Winstone respectivement père et oncle d’Hugo qui apportent un plus à l’ensemble. Last but not least, on s’amuse à découvrir l’acteur Michael Stuhlbarg sous les traits et la barbe de René Tabard. Si le film est clairement destiné aux enfants, Martin Scorsese réussit le tour de force de s’adresser aussi aux plus grands. Un entre-deux pas forcément évident aux premiers abords où l’histoire peine à démarrer. Mais cet aspect s’oublie assez rapidement grâce à la remarquable utilisation de la 3D. Hugo Cabret marque bien la première réalisation en 3D relief du metteur en scène de Taxi Driver. Les premiers plans sont évocateurs et montrent le potentiel visuel et narratif dont Martin Scorsese va tirer parti en collaboration avec sa fidèle partenaire la monteuse Thelma Schoonmaker : Le mécanisme complexe d’une horlogerie dont nous percevons les différentes superpositions, se substitue à une image aérienne nocturne et illuminée de Paris pour enfin nous plonger dans la gare Montparnasse jusqu’à une horloge où Hugo Cabret observe les nombreux usagers. Scorsese a parfaitement compris les différents niveaux de profondeurs de champ et joue là-dessus avec brio.

 

© Metropolitan Filmexport

 

Des passages de figurants à différents intervalles entre les acteurs principaux égayent encore plus que d’habitude un plan simple ou une plongée sur des escaliers en pleine course poursuite, avec la propreté du numérique, donne encore plus à voir. Bref, c’est un festin visuel qu’on aimerait plus souvent dans les productions 3D relief. Comme une sorte de boucle bouclée, Hugo Cabret est la révérence du cinéma moderne du début du XXIème siècle aux origines du cinéma du début du XXème siècle. D’Harold Lloyd à Georges Méliès en passant par Charlie Chaplin et Buster Keaton, Martin Scorsese rend un grand hommage aux fondateurs de l’art qu’il aime profondément. Pour autant, le cinéaste ne manque pas de tact en matière de références car on y trouve, au détour d’un plan sur des cheminots, une citation à la Bête Humaine de Jean Renoir. Le jazz n’est pas loin avec la présence du guitariste manouche emblématique des années 30, Django Reinhardt. La volonté du cinéaste de sauver les anciens films à travers sa fondation convient parfaitement à la dernière partie du film. Force est de constater que ce projet ne pouvait s’adresser qu’à un cinéphile. Ça ne s’invente pas, l’auteur du roman, Brian Selznick, n’est autre q’un parent éloigné du fameux producteur David O. Selznick, connu pour Autant en emporte le vent ou encore les premiers films américains d’Alfred Hitchcock. Une véritable histoire de cinéma !

 

Martin Scorsese rend hommage au cinéma de la plus belle des manières avec ce conte magique à l’imagerie envoutante. C’est déjà Noel !