Un film de Woody Allen. Avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Marion Cotillard. Sortie le 11 mai 2011.
Woody Allen a deux amours. Paris en fait il partie ? Elements de réponse…
Note : 3,5/5
Enchainant les films à une vitesse métronomique, Woody Allen continue son inlassable course contre le temps et l’oubli cinéphilique. Après son plaisant mais anodin Vous allez rencontrer un sombre et bel inconnu, le plus névrosé des réalisateurs newyorkais poursuit son petit tour d’Europe en posant ses guêtres à Paris, ville emblématique qu’il avait laissé en plan depuis Tout le monde dit I love You en 1997. Flânerie fantasmagorique dans les rues de Paname, Minuit à Paris suit les errances de Gil (Owen Wilson), auteur frustré qui va se laisser littéralement happer par la magie de Paris. Difficile d’en dire plus sans éventer le mystère planant autour de ce projet plus atypique qu’il n’en a l’air, aussi nous ne saurions trop vous conseiller d’arrêter la lecture si vous voulez préserver l’effet de surprise… Toujours là ? A la bonne heure !

Autant le dire de suite : si Minuit à Paris évite malicieusement tous les clichés possibles et imaginables (aucun béret ni baguette de pain à l’horizon), pas sûr qu’il ne fasse pas sourciller les parigots plus habitués à endurer la populace dans le métro que les balades joliment désuètes sous la pluie. Plus ode au romantisme qu’inspire la Ville Lumière que vaine image d’Epinal (quoique), le dernier Woody Allen fait incontestablement parti des meilleurs cru du monsieur via une douce folie renvoyant directement aux envolées oniriques d’Alice ou La Rose Pourpre du Caire. A l’image de ces deux derniers, Minuit à Paris témoigne d’une malice et d’une véritable énergie dans sa propension à jongler entre rêve et réalité. Il y a en effet deux films dans cette étrange virée métropolitaine. Le premier est un gentil marivaudage intello classique dans la plus pure tradition alleniene. Entendre par là qu’il contient tous les ingrédients inhérents au cinéma de son géniteur : de l’ambiance jazzy au cortège de guests (Gad Elmaleh, Michael Sheen, Carla Bruni Sarkozy) en passant par l’alter ego d’Allen personnifié par un Owen Wilson qui parvient ici à un habile dosage entre ses tics et ceux du cinéaste. Pas désagréables, les balades diurnes de Gil se montrent plutôt classiques dans leur cheminement et ressassent moult sujets chers au cœur du cinéaste avec, en ligne de mire, le caractère toujours aussi aléatoire des sentiments.

Le second est une allégorie plutôt bien vue sur la fuite en avant (ou en arrière) que représente la nostalgie. Drôle, piquant, savoureux, il revisite non seulement l’Histoire d’un pays mais surtout sa culture de manière truculente et avec un vrai sens du décalage. Se jouant des limites du temps et de l’espace, Allen prend un malin plaisir à nous embarquer dans un parcours halluciné et traversé de personnages hautement croustillants. Parmi ceux là saluons la brève mais intense performance d’Adrien Brody, génial en Dali excentrique qui, en seulement quelques minutes de présence, synthétise parfaitement l’esprit doux dingue du film. D’où l’impression d’assister à une œuvre à la fois dépaysante et familière qui réussit l’exploit de nous surprendre en dépit de ses évidentes redondances. Une dichotomie qui n’est pas pour nous déplaire tant Minuit à Paris dégage un charme suranné qui manquait cruellement aux derniers films du grand Woody. On en ressort le cœur léger avec l’impression d’avoir vécu un beau rêve dans une ville qui ne nous avait jamais paru si belle. Doux paradoxe.
A la fois étonnant et classique, Minuit à Paris renouvelle avec bonheur la filmographie de Woody Allen.