Un film de Jacques Audiard. Avec Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts, Bouli Lanners. Sortie depuis le 17 mai 2012.
Un scénario mélo-dramatique servi par une mise en scène et une interprétation magistrales, avec De rouille et d’os, petit bijou de cinéma, Jacques Audiard s’érige une nouvelle fois en favori du Festival de Cannes.
Note : 4,5/5
De rouille et d’os, c’est l’histoire d’une rencontre entre deux êtres au coeur rouillé, qui confrontés à des évènements bouleversants voient leurs pulsions de vie surpasser leurs pulsions de mort. Dans ce film d’une intensité rare, tout l’art de Jacques Audiard est d’avoir su sublimer à travers sa caméra deux personnages meurtris par la vie, sans jamais basculer dans le pathos. Avant son accident, Stéphanie est froide, pour ne pas dire frigide. Elle vient régulièrement s’assurer que ses charmes opèrent sur la piste de danse de l’Annexe, sans y trouver de réel réconfort. Ce n’est finalement que parmi les orques, auxquels elle fait faire des sauts périlleux dans un Marineland, qu’elle semble la plus épanouie. Une joie perdue, désormais associée à la perte de ses deux jambes. Dégoût de soi, pensées suicidaires, ce n’est qu’au contact d’Ali, boxeur viril transpirant la testostérone mais d’une simplicité et d’une délicatesse désarmantes, que Stéphanie découvre l’amour et prend tout simplement goût à la vie. Mais alors qu’elle surmonte peu à peu son handicap, celui qui l’épaule à l’inverse, sombre, multipliant les maladresses auprès de son fils, enfant chétif au regard troublant, en manque d’amour et de protection, ainsi qu’auprès de sa soeur, jouée par Corine Masiero, formidable en caissière désabusée.

Enfin De rouille et d’os raconte l’histoire de deux destinées qui se croisent et se retrouvent dans la violence de la chair et le partage des sentiments les plus humains. Un scénario plutôt classique, adapté du roman de Craig Davidson, qui nous surprend par la subtilité des scènes et des dialogues qui s’enchainent dans un rythme calibré, le tout incarné avec force par deux acteurs stupéfiants. Marion Cotillard, époustouflante de justesse, interprète ici probablement son meilleur rôle, ce personnage de jeune femme combattante, emprunte de féminité et de masculinité, qui lui va si bien. Quant à Matthias Schoenaerts, déjà repéré dans Bullhead, il ne pourra passer inaperçu auprès du jury cannois, tant il nous livre une partition tout en finesse de cet homme physique, de ce père irresponsable, d’un réalisme étonnant. Une molaire qui danse dans la poussière après une bataille sauvage, le petit Sam qui touche dans un mélange d’effroi et de fascination les jambes bioniques de Stépahnie, ou encore les retrouvailles silencieuses de la jeune femme face à l’imposant cétacé, autant d’images marquantes qui confèrent au film une grâce qui dépasse son classicisme apparent. On se surprend même à rire parfois aux remarques décalées d’Ali, qui comme dans le film Intouchables, a la faculté de ne pas s’apitoyer sur le handicap de Stéphanie et de continuer à voir en elle la femme désirable et forte qu’elle est. Mélange de brutalité, de tendresse, d’angoisse et d’espoir, De Rouille et d’os est un festival d’émotions cinématographiques. Un concurrent sérieux pour le palmarès…
Un film puissant, dirigé d’une main de maître, voilà ce qu’on attend du cinéma !