Cannes 2016 : Critique Julieta

 

Un film de Pedro Almodovar. Avec Emma Suarez, Adriana Ugarte, Rossy de Palma. En salles depuis le 18 mai 2016.

 

Un portrait de femme juste et subtile qui se bride parfois un peu trop.

 

Note : 3,5/5

 

Après son escale polissonne avec le mal-aimé Les amants passagers, Pedro Almodovar revient à son sujet de prédilection : les femmes. Ici, il nous raconte l’histoire de Julieta dont le quotidien se trouve bouleversé le jour où elle rencontre par hasard une amie d’enfance de sa fille. Difficile d’en dire plus tant le film d’Almodovar prend un certain plaisir à se dévoiler petit à petit pour mieux exposer ses enjeux dans une seconde partie quelque peu pompière dans ses effets mais néanmoins très touchante. Loin de la géniale hystérie de Femmes au bord de la crise de nerfs ou du doux spleen de Parle avec elle (avec lequel les effets de miroir sont nombreux), Julieta creuse ces sillons et assoit plus que jamais l’amour infinie que le cinéaste porte à la figure féminine qu’elle soit mère, fille ou tout simplement femme. Une sainte trinité qu’il explore dans toute sa complexité à travers le personnage de Julieta, réceptacle d’interrogations chères au cinéma d’Almodovar. A travers son histoire, c’est une synthèse de son cinéma que le réalisateur nous livre, un film somme en mode mineur, subtil, peut-être même un peu trop pour son propre bien tant le cinéaste, beaucoup trop soucieux d’avancer à pas feutrés, finit par dérouler des enjeux prévisibles. Seulement voilà : Almodovar ne serait pas Almodovar s’il ne savait si bien titiller notre fibre lacrymale, ce qu’il fait une fois de plus avec Julieta.

 

Pathé
Pathé

 

Démarrant tel un portrait de femme comme Almodovar sait si bien les dresser, le film se mue peu à peu en quelque chose d’autre, en réflexion sur le deuil, l’absence mais surtout la culpabilité qui en découle. Dans le rôle-titre, Emma Suarez révèle une fragilité à fleur de peau, une vulnérabilité comme seule Almodovar sait les dévoiler. Il faut dire que le film prend son temps pour dévoiler une à une les facettes de cette femme dont le visage porte peu à peu les stigmates de la vie. Une évolution judicieusement montré à l’aide de flash-backs où le spectateur tombe sous le charme de Julieta, 30 ans (alors campé par la sublime Adriana Ugarte) avant de se muer via un astucieux truchement scénique. Réflexion sur le temps qui passe, l’amour absolu, Julieta est aussi et surtout une très belle radiographie de la dépression comme résultante des effets cités plus hauts. Certes, le résultat ne détonne pas dans la filmographie d’Almodovar qui surligne par moments trop son propos au détour de dialogues inutilement appuyés, mais la sobriété qui se dégage de l’ensemble, le jeu tout en finesse d’Emma Suarez et la beauté envoutante d’Adriana Ugarte finissent par porter irrémédiablement l’adhésion. Et si à défaut d’être un chef d’œuvre Julieta était tour simplement un beau film ?

 

Mélo en mode mineur,  Julieta marque le retour aux fondamentaux pour un Almodovar soucieux d’explorer encore et toujours ce fascinant sujet de cinéma qu’est la femme.