Cannes 2016 : Critique Money Monster

 

Un film de Jodie Foster. Avec Georges Clooney, Julia Roberts, Jack O’Connell. En salles depuis le 12 mai 2016.

 

Changement de direction pour Jodie Foster qui s’empâte dans un film victime de ses (trop) bonnes intentions.

 

Note : 2/5

 

« Mon ennemi, c’est la finance » … cette réplique légendaire du candidat Hollande en 2012 pourrait tout aussi bien convenir aux têtes pensantes du festival de Cannes qui, de temps à autre, se plaisent à sélectionner un film qui taclera le dieu Nasdaq. Ce fut le cas en 2010 avec Wall Street, l’argent ne dort jamais, pamphlet de bac à sable dans lequel un Oliver Stone en roue libre pointait les méfaits de l’argent roi. Bis repetita cette année avec Money Monster dans lequel un présentateur TV arrogant est pris en otage par un jeune homme ayant tout perdu à cause d’un mauvais investissement, ou plutôt d’une pépite tenant davantage du pipeau. Reprenant la typologie d’un Mad City ou d’un John Q (en moins larmoyant), Money Monster se sert de son personnage principal comme instrument de dénonciation des dérives d’une société qui a sacrifié l’humain sur l’autel du dollar. Le dispositif est connu, éculé, mais on comptait énormément sur l’approche éminemment intimiste de Jodie Foster, réalisatrice et la prestance de Georges Clooney, pour transformer ce Money Monster en missive aussi politiquement violente qu’humainement poignante. Sauf que voilà : visiblement mal à l’aise avec toute la tension induite par son sujet, Jodie Foster filme cette prise d’otage de façon très formelle, multiplie les ruptures de ton et finit par dépouiller son film de toute substance relayant ce qui aurait pu être une formidable charge en téléfilm de luxe multipliant les poncifs. Mais surtout, Money Monster déçoit par son obstination à enfoncer les portes ouvertes. De thriller, le film se mue rapidement en « Occupy Wall Street » pour les nuls, enchainant les poncifs comme d’autres collectionnent les stock-options. On remerciera donc l’équipe de Money Monster de nous apprendre que : investir en bourse peut occasionner de gros risques (ah bon ?), la transparence dans le monde de la finance est une notion somme toute relative (j’aurais pas cru !) et que les médias ne sont au final que les laquais des rois du Nasdaq (là, je suis sur le cul !).

 

Sony Pictures
Sony Pictures

 

Alors oui, par moments le film fait mouche en particulier dans la manière dont il montre comment l’argent est érigé au rang de véritable show et le danger que représente sa dématérialisation, donc sa perte de valeur concrète. Malheureusement, tout cela est dilué dans une logorrhée démago et consensuelle qui fait que le film tombe dans son propre piège à force de trop de passivité.  Pour une réelle vulgarisation, mieux vaut (re)voir The Big Short, film autrement plus féroce et couillu sur les dérives du milieu o combien opaque de la finance. Il manque au film la verve d’un Aaron Sorkin qui aurait trouvé là une formidable source d’inspiration pour son écriture frénétique et ludique. Las, le film multiplie les lieux communs avec une naïveté déconcertante (parfois touchante) mais qui le fait totalement passer à côté de l’essentiel. Car plus que le discours c’est le drame humain qui aurait rendu Money Monster réellement impactant, malheureusement c’est ce qui lui fait le plus défaut. Difficile en effet de ressentir une quelconque empathie pour les personnages qu’il s’agisse du preneur d’otage décrit comme un parfait imbécile ou son prisonnier, showman arrogant et grande gueule. Sans la prestation d’un Jack O’Connell excellent en preneur d’otages largué, on pourrait aisément dire que Money Monster manque cruellement de cœur et d’enjeux dramatiques. Ni bon, ni mauvais, Money Monster aurait gagné à prendre plus de risques tant il avait les moyens de le faire. Pétri de bonnes intentions, le film ne parvient jamais vraiment à les transcender.

 

Grisant sur le papier, Money Monster peine à convaincre à l’écran, la faute notamment à des parti-pris jamais totalement assumés.