Critique : A very Englishman

 

Un film de Michael Winterbottom. Avec Steve Coogan, Imogen Poots, Anna Friel. Sortie le 19 juin 2013.

 

Steve Coogan joue les playboys dans un biopic doux amer. So british !

 

Note : 3,5/5

 

Cinéaste touche à tout, Michael Winterbottom retrouve son acteur fétiche Steve Coogan pour un nouveau biopic (le second avec 24 Hour Party People). Pour leur cinquième collaboration commune, les deux hommes s’intéressent à l’histoire vraie de Paul Raymond,  pendant britannique de Larry Flynt et accessoirement homme le plus riche du pays en 1992. Sauf qu’A very Englishman (traduction « française » stupide de The Look of Love, titre original autrement plus subtil et lourd de sens) s’écarte très rapidement de la simple biographie pour se focaliser davantage sur la psyché du personnage principal. Ici, ce n’est pas tant son irrésistible ascension que sa personnalité ambivalente qui intéresse Winterbottom. Par l’entremise d’un genre ultra balisé, le réalisateur de Jude dresse le portrait d’un homme dont le refus catégorique de vieillir aura impacté les relations avec toutes les femmes de sa vie. A commencer par sa propre fille (formidable Imogen Poots) dont la relation amour/haine entretenu sur près de trente ans jugule tout le film de manière très intéressante. Tenant parfaitement la dragée haute à un Steve Coogan littéralement habité par son personnage, la très belle Imogen Poots offre une prestation bluffante en fille en mal de reconnaissance. A travers ses yeux c’est toute l’ambiguïté d’un homme bien décidé à ne pas se laisser rattraper par certaines réalités qui nous est donné.

 

© Pretty Pictures
© Pretty Pictures

 

Et c’est bien là tout l’intérêt de ce film qui en lieu et place de l’hagiographie bêta ou du témoignage à charge préfère s’appuyer sur des personnages fonctionnant par tonalités. Si Winterbottom n’est pas tendre avec son anti héros, il ne le cloue pas au pilori, préférant dérouler le large spectre de sa personnalité parfois écrasante. Homme de tous les excès, le Paul Raymond décrit ici aime cultiver l’ambiguïté si bien qu’il est impossible de le détester ou de l’adorer. C’est aussi l’occasion pour Winterbrottom de brosser en filigrane le portrait d’une société britannique en pleine mutation prise entre tradition et modernité devant la libération des mœurs. L’air de rien, il interroge à travers la figure de Paul Raymond, le rapport qu’entretiennent les britanniques avec la sexualité. Une manière comme une autre de dresser un subtile parallèle avec l’art du spectacle et son évolution. Mais avant d’être une étude sociologique, A very Englishman reste avant tout un film profondément humain et vivant sur la vacuité des sentiments. Si le métrage semble arriver à bout de souffle dans son dernier quart, il parvient toutefois à nous cueillir lors d’un final très émouvant. Autant de raisons qui rendent sa soudaine interdiction aux moins de 12 ans (on vient de l’apprendre) totalement incompréhensible.

 

Fausse biographie mais véritable étude de cas, A Very Englishman lève le voile avec ludisme et émotion sur une personnalité peu connue en France.

 

 



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