Critique : Ant-Man

 

Un film de Peyton Reed. Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly. Sortie le 14 juillet 2015.

 

L’homme fourmi s’apprête à envahir les salles après une genèse douloureuse. La déception est-elle proportionnelle à la taille du rôle-titre ?

 

Note : 1,5/5

 

Fut un temps où Ant-Man apparaissait comme le projet le plus excitant du moment. Pensez donc : Edgar Wright à la réalisation, secondé dans l’écriture par son acolyte Joe Cornish (Attack the block). Le choix était tellement logique qu’il paraissait beaucoup trop beau pour être vrai. Et alors que les premières images tournées par Edgar Wright laissaient augurer un divertissement de haute volée, une question était sur toutes les lèvres : Ant-Man allait-il inaugurer une nouvelle ère, celle où Marvel permettrait enfin à des cinéastes aux univers singuliers d’apposer leurs griffes dans leur univers super-héroïque ? Certes, le coté shakespearien de Thor, le charme vintage de Captain America et l’iconoclasme d’Iron Man 3 semblaient abonder dans ce sens mais ces quelques tentatives restaient beaucoup trop timide dans les faits. Edgar Wright chez Marvel c’était l’assurance que le studio nourrissait suffisamment d’ambition et de respect vis à vis de son public pour leur offrir un nouveau type de blockbuster : fun, intelligent et surtout éminemment ludique. Il suffisait de voir comment le cinéaste s’était réapproprié la comédie horrifique (Shaun of the Dead), le buddy movie (Hot Fuzz) ou encore le film de S.F. (Le Dernier Pub avant la fin du monde) pour avoir la certitude qu’il allait révolutionner le film de super-héros. Oui : l’espace d’un instant, Marvel aurait pu être l’instigateur d’une révolution, enfin il aurait pu renouveler un genre qu’il a initié et, paradoxalement, sclérosé de l’intérieur. Aurait, car le 23 mai 2014 à quelques jours du tournage, Edgar Wright quitte le projet pour différents artistiques. Comprendre par-là que Marvel à retouché le scénario derrière son dos, la concession de trop pour Wright qui ne se reconnait plus dans le projet. Dès lors, un sentiment de deuil frappe de plein fouet fans et cinéphiles tandis que Marvel s’enfonce de plus en plus via des productions tour à tour ineptes (Thor 2) ou mécanique (Captain America, le soldat de l’hiver) avant de toucher le fond avec Avengers 2, long gloubibougla numérique ne servant au final qu’à vendre un maximum de produits dérivés. Ultra mécaniques et dépouillées de toutes implications émotionnelles, les productions Marvel s’étaient muées, sous le haut patronat de Disney, en pubs XXL aussi digestes qu’un McDo. L’arrivée du fadasse Peyton Reed (Yes Man… tout est dit) aux commandes d’Ant-Man, c’était la garantie pour Marvel de rester dans cette veine corporatiste et de garder un contrôle absolu sur son produit. Les bandes annonces égrainées ici et là avaient beau promettre un divertissement décomplexé à la Gardiens de la Galaxie, le résultat s’annonçait respectable mais peu brillant au regard de ce que Wright aurait pu nous pondre. Las, au terme de deux heures de projection, le couperet tombe : Marvel ne nous aura même pas fait le cadeau du divertissement honnête, son Ant-Man est même à l’opposé de cela.Avec son pitch prompte à des morceaux de bravoure toujours plus inventifs et sa galerie de personnages un peu à l’ouest, Ant-Man avait tout pour devenir le blockbuster subversif et à la bonne humeur contagieuse qu’avait été Les Gardiens de la Galaxie. Sauf que là où ce dernier avait réussi, par un miracle dont on ignore encore les tenants et aboutissants, à refléter la personnalité très punk de son réalisateur James Gunn, le film de Peyton Reed, pour sa part, est l’exact opposé. Pire , il semble même revendiquer avec une certaine fierté son manque total de personnalité. Il faut dire que dès les premières images, Ant-Man et sa réalisation très télévisuelle trahit un manque d’ambition certain.

 

© Marvel 2014
© Marvel 2014

 

. Platement mis en scène, le film suit les tribulations d’un voleur repenti (Paul Rudd) bien décidé à changer de vie pour sa fille. C’est alors que sa route croise celle d’Hank Pym, scientifique de génie ayant créé une formule permettant de rétrécir l’être humain. Un procédé que convoite le diabolique Darren Cross bien décidé à l’utiliser à des fins militaires. Acculé, Pym a besoin d’un héros pour protéger son invention, et pourquoi pas Scott ? De ce qu’aurait pu être le film de Wright, Ant-Man ne garde au final que peu de choses, quelques idées ici et là qui auraient pu se révéler brillantes entre ses mains mais qui se révèlent ici traduites de la manière la plus banale qui soit. Les personnages sont creux, les blagues jamais percutantes et l’ensemble suit un cheminement tellement linéaire et prévisible qu’il empêche toute implication. A l’image d’Avengers 2, le public est invité à suivre bien docilement et à applaudir à chaque apparition de héros. Soit une certaine conception du blockbuster, conditionné, opportuniste et surtout ultra prévisible. Dépassionné et mécanique au possible, le film n’essaie jamais de transcender son postulat, trop occupé qu’il est à verser dans le fan service ostentatoire (une des raisons qui auraient poussé Edgar Wright à claquer la porte), désormais marque de fabrique d’un studio qui n’ambitionne que de raccrocher les wagons entre ses différentes productions. Prototype même du film malade, sabordé avant même sa mise en chantier, Ant-Man ne sait jamais sur quel pied danser et se distingue par un manque de tonalité flagrant. Une neutralité qui se retrouve jusque dans le jeu très plat d’acteurs qui cachetonnent plus que jamais, faisant acte de présence mais sans jamais vraiment y croire. Le plaisir de faire un film de super-héros est palpable mais se voit gangrené par un sentiment mortifère : celui d’être passé à côté d’un idéal de blockbuster sacrifié ici sur l’autel de l’efficacité made in Marvel. Il en résulte une sorte de long épisode d’Agents of S.H.I.E.L.D. aussi peu inspiré dans le fond et la forme, un travail de mercenaire exécuté de manière efficace mais sans cœur. L’espace de quelques dizaines de minutes, Ant-Man fait illusion grâce notamment à l’abattage de Michael Pena et le charisme du duo Rudd/Douglas avant d’adopter les pires travers des films Marvel et d’opter pour une mécanisation bête et méchante renvoyant le film à son seul statut d’opération marketing. Les amateurs de divertissement fun et passif devraient apprécier cette petite bulle estivale, les autres verseront une petite larme en pensant à Edgar Wright, dommage collatéral d’une politique visant à lobotomiser le spectateur en faisant en sorte qu’il en redemande. Au fur et à mesure que le Marvelverse converge, le cerveau du public lui diverge… il serait peut-être temps d’organiser la résistance !

 

Pour rester dans sa thématique, on dira que pour Ant-Man, Marvel a vu les choses en petit là où ses premiers instigateurs avaient des idées de grandeur. Soit la définition même d’un immense gâchis.