Critique : Argo

 

Un film de Ben Affleck. Avec Ben Affleck, John Goodman, Bryan Cranston. Sortie le 7 novembre 2012.

 

Ben Affleck se la joue agent de choc dans un thriller politique d’une redoutable efficacité. Tendu vous avez dit tendu ?

 

Note : 4/5

 

En 1979, un agent de la CIA prévoit d’exfiltrer six américains d’Iran en les faisant passer pour une équipe de tournage canadienne en plein repérages pour un film de science fiction. L’histoire est tellement improbable qu’elle semble tout droit sortie d’une série B, et pourtant, elle est 100% vraie !  A quelques décennies près, Ben Affleck aurait pu être un grand nom du nouvel Hollywood. Mais voilà, le monsieur est né un peu trop tard pour poser sa pierre à l’édifice. Qu’à cela ne tienne l’ami Ben s’en va ressusciter la tendance le temps d’un film fleurant bon le vintage. Pour sa troisième réalisation, il  n’a pas choisi la facilité en s’attaquant à l’un des plus beaux coups de bluff de la célèbre agence américaine.  Un tour de force non pas filmé comme un Ocean’s Eleven mais avec une rigueur et un sérieux renvoyant directement au cinéma d’Alan J.Pakula. Une filiation que l’acteur/réalisateur assume totalement tant dans sa mise en scène ultra sobre que dans son esthétique très 70’s. Ici, point de shaky cam, bande son tonitruante ou autres éléments anachroniques mais une approche extrêmement dépouillée donnant à Argo un cachet presque suranné comme s’il avait voyagé dans le temps pour atterrir dans nos salles obscures. Pour autant, Affleck ne se repose pas uniquement sur l’aspect revival de son film et se concentre comme il se doit sur une intrigue aux multiples ramifications. De fait, ce n’est pas tant l’issue de cette mission de sauvetage qui importe que sa lente mise en place. Ici, tout est question de mécaniques au sens pluriel du terme. Enjeux humains et géopolitiques sont judicieusement mis dos à dos pour ne plus faire qu’un au centre d’un dangereux échiquier diplomatique. Petit à petit, Affleck fait monter la pression jusqu’à l’étourdissant final tendu comme le string d’une championne de culturisme !

 

Ben Affleck, John Goodman et Alan Arkin dans Argo de Ben Affleck
© Warner Bros Pictures France

 

Nanti d’un sens de l’équilibre exemplaire, Argo jongle de manière très naturelle entre premier et second degré, dessinant in fine les incohérences et parfois même l’incongruité qui habitent ces deux centres névralgiques que sont Washington et Hollywood. En dressant un judicieux parallèle entre ces deux univers à priori antagonistes, Affleck livre une satire cinglante d’une société et d’une administration qui fondent leurs acquis sur d’improbables mensonges. A l’image d’Hollywood, la CIA élabore des scénarios tous plus tordus les uns que les autres histoire de « faire passer la pilule ». Entre d’autres mains, la mise en abyme aurait pu se révéler grossière, elle est ici finement menée grâce notamment à de piquants dialogues, bien plus subtils qu’ils n’en ont l’air.   A l’image de Gone baby Gone et The Town, Argo se sert de l’aspect thriller pour y dérouler des thématiques chers au cœur de son réalisateur. Car outre, l’incroyable histoire qui y est raconté, l’un des grands points forts du film réside dans cette espèce de tristesse qui traverse toute la filmographie d’Affleck cinéaste. Le thème de la solitude y est une fois de plus mis en exergue par l’entremise du personnage principal, Tony Mendez, élément fort de la CIA, mais aussi mari et père de famille souffrant de l’éloignement de ses proches. Cette espèce de mélancolie, le réalisateur la retranscrit sans artifices et avec une simplicité désarmante. Encore une fois il est question de reconstruction et de la place de l’humain au sein d’une société en pleine mutation. Affleck marie la petite histoire avec la grande comme pour signifier notre place prépondérante dans celles-ci en marge de tous les conflits qui peuvent se dessiner.

 

Sobre, direct, efficace… pour sa troisième réalisation Ben Affleck frappe fort et démontre qu’il ’a l’étoffe d’un grand réalisateur.