Critique : Avengers – Endgame

 
Un film d’Anthony et Joe Russo. Avec Robert Downey Jr., Chris Evans, Mark Ruffalo. Sortie le 24 avril 2019.
 
Un an après les évènements « déchirants » d’Infinity War, les Avengers survivants jouent leur va-tout face au tout puissant Thanos. Un final à la hauteur ? Réponse ci-dessous. ATTENTION SPOILERS.
 

Note : 3/5

 
L’année dernière, notre critique d’Avengers Infinity War avait suscité un certain nombre de réactions passionnées sur les réseaux sociaux allant de la déception à la colère en passant par d’autres plus pondérées. Et s’il est vrai que la formule Marvel a souvent beaucoup de mal à passer auprès de la rédaction, nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne surprise. Contre toute attentes, ce volet sensé conclure la phase 3 du MCU se révèle…bien meilleur que ceux qui l’ont précédé. Mais avant d’aller plus loin, mieux vaut vous prévenir : cette critique contiendra de nombreux spoilers. Avengers : Endgame démarre non pas juste après le fameux claquement de doigt de Thanos qui aura éradiqué la moitié de la population mondiale (et de l’univers soit dit en passant), mais quelques minutes avant. Profitant d’une retraite bien méritée avec sa famille, Hawkeye voit celle-ci se désintégrer littéralement sous ses yeux. D’emblée, le film surprend par son ouverture sombre et une tonalité funeste qui, dans sa proposition n’est pas sans rappeler – toutes proportions gardées – The Leftovers. Pour la première fois de son histoire, Marvel assume enfin la portée émotionnelle de ses enjeux dramatiques en nous présentant des héros au bout du rouleau terrassés par les évènements de l’opus précédent. L’inconséquence et la relative légèreté qui polluaient jusqu’ici les films Marvel se voient partiellement annihilés au profit d’une atmosphère sombre et lourde. Oui, oui vous avez bien lu Avengers Endgame est un film de super-héros mélancolique porté par une profonde tristesse. Et même si le studio ne nous épargne pas quelques scènes en mode « lolilol » ces dernières demeurent beaucoup plus naturelles et moins ostentatoires que d’habitude. Il offre même à deux de ses personnages les plus emblématiques, une fin parfaite et digne, preuve supplémentaire que classicisme et super-héros ne sont pas forcément antinomiques, bien au contraire. L’espace d’un moment on se dit que ça y est, le MCU a gagné en maturité, qu’il a enfin accepté d’amener le film de super-héros sur un terrain plus adulte… ce qui est en partie vrai.  En partie seulement car si la sobriété est de mise, la subtilité, elle, ne l’est pas vraiment. Certes, la ligne de démarcation semble fine, voire floue, mais elle a ici toute son importance. Si pour la première fois Marvel parvient à réellement titiller notre encéphalogramme émotionnel et « surprend » par le caractère radical de certaines de ses décisions ce n’est jamais vraiment au détriment de sa « formule » dont le systématisme trolle parfois le film. Ainsi, en guise de ressort comique, Endgame nous refait le coup du duo à la Thor Ragnarok avec quelques variantes puisque Hulk ressemble désormais à un mélange entre Bernard Pivot et Shrek tandis que Thor nous fait son Big Lebowski, lunettes noires, barbe dégueu et bide proéminent à l’appui ! Une blagounette drôle si elle ne durait pas aussi longtemps et désamorçait totalement ce qui aurait pu être l’une des scènes les plus émouvantes du film.

©Marvel Studios 2019
©Marvel Studios 2019

 

Des moments de gêne, Avengers : Endgame en contient malheureusement marquant plus que jamais les limites d’une formule qui peine à vraiment se transformer.  Et pourtant le film ne manque pas d’idées comme celle de reprendre les codes du film de casse et du voyage temporel pour les passer à la moulinette du MCU et revisiter sa propre histoire. Une idée amusante en soi mais qui peine à tenir la route tant Marvel semble se moquer des paradoxes temporels préférant verser dans l’autocitation à outrance au détriment d’un ludisme bien présent mais trop peu exploité. D’où l’impression de se retrouver devant une moitié de film bicéphale qui, à trop vouloir désamorcer certaines attentes, n’en crée plus et renoue avec les pires travers du MCU.  Reste une forme d’autodérision moins cynique que ce que l’on aurait pu craindre et une propension à la péripétie prompte à dynamiser un ensemble qui aurait pu vite tourner en rond. Il faudra attendre un final épique et ultra iconique pour que Endgame reprenne du poil de la bête. Si celui-ci aurait gagné à être plus long, il nous offre quelques beaux morceaux de bravoure aussi gratifiants pour le spectateur qu’opportuniste de la part de Marvel. Véritable feu d’artifice super-héroïque, il est à l’image des sentiments partagés que suscite le film : d’un côté il donne au spectateur son quota de moments iconiques, de l’autre son arrivée tardive dans le métrage prouve que quelque part le film s’est trompé de combat en déroulant des enjeux émotionnels et une empathie pour les personnages qui auraient dû survenir bien avant dans le MCU. Si on salue la relative sobriété de ce Endgame qui se resserre dans sa première moitié sur des enjeux plus humains, on regrette que de fait, le film ne fasse pas davantage dans le grand barouf final comme avait pu le faire par exemple Peter Jackson dans Le Retour du Roi. C’est toute la question du dosage qui est au centre de cet opus final mettant en exergue à la fois les forces et les faiblesses d’une formule qui a toujours peiné à bien mesurer ses ingrédients. En cela Endgame se révèle aussi fascinant que frustrant. Et alors que la durée rédhibitoire de trois heures laissait augurer de longs moments d’ennui, Avengers : Endgame se révèle relativement fluide et plaisant à suivre car constamment sur le qui-vive en dépit de sa mise en scène très fonctionnelle. Comme de bonnes vieilles charentaises, Avengers Endgame est aussi confortable à certains moments qu’irritant à d’autres sacrifiant le « Lol » au profit du « yolo ». Et si la perspective peut effrayer, croyez-nous, on a largement gagné au change.

 

Sans être révolutionnaire, Avengers : Endgame annonce toutefois un changement de cap salutaire pour les studios Marvel, encore faudrait-il que la mue soit totalement opérée. Rien n’est moins sûr malheureusement…