Critique : Balade entre les tombes

 

Un film de Scott Frank. Avec Liam Neeson, Dan Stevens, Boyd Holbrook. Sortie le 15 octobre 2014.

 

Liam Neeson serre la mâchoire mais ne casse (presque) rien dans ce film noir aussi grisant sur le papier que frustrant à l’image.

 

Note : 2,5/5

 

Depuis un certain Taken, Liam Neeson s’est fait une spécialité de jouer les durs à cuire à qui il ne fait pas bon chercher des noises. Pas étonnant donc de le voir ici porter les guêtres d’un ex flic reconverti en détective privé chargé de retrouver les ravisseurs de la femme d’un dealer et dont l’enquête va rapidement se muer en quête vengeresse dans un New York en voie de déshumanisation. Sauf que pendant près de deux heures, notre cher Liam ne pète aucun bras… ou presque. Alors que l’on pensait se retrouver devant un succédané de la désormais fameuse trilogie initié par Luc Besson, Balade entre les tombes déjoue tous les pronostics en s’éloignant sciemment des sentiers de l’actionner pour rejoindre ceux beaucoup plus tortueux du film noir. En cela, Balade entre les tombes étonne, intrigue, met mal à l’aise même avant de sombrer peu à peu dans une forme de routine assez préjudiciable. A l’image de son premier long métrage, Lookout en 2007, Scott Frank se réapproprie les codes du film noir, les dépouilles de toutes formes de sensationnalisme (peu de scènes d’action, une intrigue simplifiée au possible) pour se recentrer sur les turpitudes de son héros, sorte d’accidenté de la vie qu’un trauma aura peu à peu ostracisé. Mais là où Lookout palliait son manque d’originalité par une galerie de personnages forts, Balade entre les tombes préfère lui se reposer uniquement sur les épaules de Liam Neeson. Une bonne idée en soi à la différence près que l’acteur peine encore à se démarquer de son personnage de paternel véner de Taken. Une ombre pesante qui plane sur tout le film tel un dossier un peu embarrassant, et ce en dépit des efforts plus que louables de son acteur principal.

 

© Metropolitan Filmexport
© Metropolitan Filmexport

 

Malgré tout et dès lors qu’on fait abstraction de sa propension à jouer les Steven Seagal tous les deux films, force est de reconnaitre que l’acteur se révèle convaincant en ange déchu traversant une ville tentaculaire de façon fantomatique. Un personnage riche (et déjà interprété par Jeff Bridges dans le tonitruant Huit millions de façons de mourir en 1986) que Scott Frank a eu la bonne idée de ne pas « mettre au gout du jour » accentuant ainsi son charme anachronique. Sur le papier, Balade entre les tombes a tous les atours du film noir désespéré et nihiliste, s’assumant davantage comme voyage dans les tréfonds de l’âme humaine. Un pari en grande partie relevé dans une première partie efficace à l’atmosphère délicieusement oppressante. Malheureusement, pour que la balade tienne toutes ses promesses encore aurait-il fallu qu’elle prenne moins son temps, privilégie quelque peu la narration par rapport à l’esthétisation vaine et surtout exploite pleinement l’aura de ses personnages secondaires ici condamnés à rester des archétypes. De fait, ce que l’on pourrait reprocher principalement à cette virée urbaine ne réside pas tant dans la banalité somme toute angoissante de son intrigue ou même certains parti pris trop consensuels,mais plutôt dans sa propension à prendre beaucoup trop son temps pour la dérouler sans jamais rien broder d’intéressant autour. Dommage car plus resserré, Balade entre les tombes aurait pu se transformer en excellent cauchemar à ciel ouvert. Il faudra ici se contenter d’un bon polar au potentiel énorme mais pas toujours bien exploité.
 

En dépit de gros défauts, Balade entre les tombes parvient à susciter l’intérêt grâce à son ambiance pesante et la profonde mélancolie qui s’en dégage.