Un film de Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling, Michelle Williams, Mike vogel. Sortie le 15 juin 2011.
Ryan Gosling et Michelle Williams s’aiment un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout, dans un drame sentimental désabusé. Chronique d’un amour déchu.
Note : 4,5/5
Il est des films difficiles à évoquer tant leurs sujets peuvent ramener à des expériences forcément personnelles. Dès lors, les mots font défaut et le cœur prend la tangente. Ne vous étonnez pas donc si le champ lexical vient à s’appauvrir, l’émotion a juste pris les commandes temporairement. Après un passage remarqué l’année dernière dans la section Un Certain Regard, Blue Valentine débarque enfin chez nous pour vous filer un petit coup de blues avant l’arrivée des premières lueurs de l’été. Doucement mélancolique, le film de Derek Cianfrance peut être vu comme une sorte de réponse mature et tristement lucide aux idéalismes sirupeux véhiculés par les rom coms. Scindé en deux parties bien distinctes, le film se distingue du tout venant en matière de romance dans son approche très réaliste (Derek Cianfrance vient du documentaire) du couple. Il se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Oui mais après ? Pour Dean (Ryan Gosling) et Cindy (Michelle Williams), le conte de fées né dans une espèce d’heureuse douleur avant d’être petit à petit rattrapée par la réalité.

La première partie, shooté en 16mm, dévoile avec une subtilité désarmante la douce éclosion d’une passion qu’on aimerait sans fin. Quelques regards complices, des gestes tendres… il n’en faut pas plus au spectateur pour comprendre que les destins des deux amoureux en devenir vont être inextricablement liés. Sauf que voilà, ce que Cianfrance ne nous dit pas tout de suite mais sous entend au détour d’un traitement très naturaliste, c’est que dans la vraie vie, les histoires d’amour finissent souvent mal. Vous vouliez que Blue Valentine prouve le contraire ? Pas de bol ! Très clinique, la suite nous ramène lentement mais surement à une triste et dure réalité où la fragilité des sentiments n’a d’égale que les désillusions d’un quotidien assassin. Comment résister à l’épreuve du temps ? Continuer à aimer quand ce n’est plus réciproque ? Autant de questions auxquelles le film apporte de difficiles réponses. Dès lors, les sourires solaires des premiers jours laissent aux silences emplis de tristesse et lourds de conséquences. La tristesse succède à la douceur. Un amer mélange qui n’est pas sans rappeler les drames romantiques de Nick Cassavetes.

A la différence près que, contrairement à She’s so lovely et N’oublie jamais, Cianfrance va jusqu’au bout de sa démarche et refuse de s’arrêter au seul aspect passionnel de cette histoire d’amour. C’est peut être ça la grande force de Blue Valentine : cette volonté de ne jamais édulcorer, être au plus près des corps, des émotions pour mieux nous transporter en plein cœur de cette passion morte née. Une sorte de minéralité portée de bout en bout par des acteurs investis jusqu’à la moindre fibre de leurs corps. Incroyablement intense et touchant, Ryan Gosling bouffe l’écran tandis que Michelle Williams ne cesse de nous séduire en dépit d’un visage portant petit à petit les stigmates d’une histoire qui s’essouffle. A cela s’ajoute une B.O. très réussie avec en point d’orgue le superbe You and me de Penny &The Quarters dont les paroles prennent ici une dimension toute particulière. Il en résulte une œuvre précieuse, tour à tour lumineuse et clinique, douce et dure mais toujours juste. On en ressort épuisé, la gorge serrée et le cœur en miettes. Et pour peu que l’histoire de Dean et Cindy ait été un peu la vôtre, Blue Valentine prend des atours de requiem bouleversant. Paradoxe ultime, il s’agit là d’une des plus belles histoires d’amour jamais réalisée.
Radiographie d’un amour né trop brusquement, Blue Valentine jongle avec les émotions du spectateur et disserte sur le couple avec une parcimonie qui force le respect.