Critique : Bon A Tirer (B.A.T.)

 

Un film de Bobby et Peter Farrelly. Avec Owen Wilson, Jason Sudeikis, Jenna Fischer. Sortie le 27 avril 2011.

 

Deux quadra frustrés s’autorisent une semaine de folie sous l’œil malicieux des frères Farrelly. Le nouveau souffle de la comédie U.S. ?

 

Note : 3,5/5

 

Vous feriez quoi si votre épouse (ou votre époux) vous donnait la permission de redevenir célibataire pendant une semaine ? Pour Rick (Owen Wilson) et Fred (Jason Sudeikis), la réponse est simple : absolument tout ! Sauf qu’entre la théorie et la pratique il y a un gouffre auquel nos deux zigotos vont bientôt être confrontés. Bon À Tirer (B.A.T. pour les initiés libidineux), marque le retour des frères Farrelly quatre ans après l’inégal mais attachant Les Femmes de ses rêves. A l’instar de Judd Apatow, les deux frangins explorent ici la figure du couple et du mâle en pleine crise d’adulescence par le biais de la comédie graveleuse et totalement décomplexée. Sauf qu’aux dialogues ciselés du réalisateur de 40 ans toujours puceau, les Farrelly répondent par un humour pipi-caca et ras des pâquerettes qui forcent l’admiration par son jusqu’au boutisme assumé. A l’heure où la comédie américaine se planque derrière un esprit de vrai/fausse dépravation certes jouissif mais néanmoins conservateur, voir un gros plan de pénis (au repos) ou un  type déféquer en direct sur un gazon relève du tour de force. Si vous pensiez que les sales gosses derrière Mary à tout prix s’étaient assagi depuis le mollasson Terrain d’entente, préparez vous à être surpris et probablement choqué par l’approche volontairement « poil au derrière » de la chose. Un esprit rabelaisien qui fait un bien fou et sert étrangement un propos plus subtil qu’il en l’air.

 

 

Jason Sudeikis et owen Wilson dans "Bon A Tirer" des frères Farrelly

 

Sous ses dehors de comédie pour mecs façon « American Pie du quadra », B.A.T. cache en fait un film profondément féministe. Oui, vous avez bien lu, inutile de revenir en arrière ou de porter plainte pour diffamation, le terme est lâché ! Car à y regarder de plus près, à mesure que Rick et Fred s’enlaidissent au grès d’un marathon qui aura raison de leur santé mentale et physique, leurs charmantes épouses paraissent de plus en plus resplendissantes. Dès lors, le film s’extirpe de sa carapace de poilade régressive et laisse judicieusement planer le doute quant aux réels bénéficiaires de ce Bon A Tirer (Hall Pass en V.O.). C’est bien là que se situe toute l’intelligence du métrage : dans sa capacité à mettre les deux camps sur un pied d’égalité, les confrontant ainsi aux mêmes dilemmes  sans jamais les juger dans leurs choix. Entre deux gags scabreux fonctionnant selon l’imparable mécanique de « La loi de Murphy » (à savoir un échelonnement dans l’intensité des péripéties), B.A.T. dresse un regard assez tendre sur la façon de se voir et de voir l’autre alors que le temps émousse le désir et commence à avoir raison du couple. L’air de rien, les frères Farrelly viennent de signer l’une de leurs plus touchantes œuvres. On regrettera au final que le film prenne un peu trop son temps avant de déchainer toute sa puissance comique (attendre le cinquième voir le sixième jour avant que les zygomatiques en prennent pour leurs matricules !) et qu’il trahisse une certaine naïveté au travers de quelques invraisemblances. Reste que B.A.T. réussit un exploit peu commun : faire rire et attendrir avec un thème ô combien réchauffé. Merci les frangins !

 

S’il ne rentrera pas dans les annales (attention blague !) du genre, B.A.T. force l’admiration par sa propension à aller jusqu’au bout de son concept malgré de réelles carences rythmiques.