Critique : Creed II

 
Un film de Steven Caple Jr. Avec Michael B. Jordan, Sylvester Stallone et Dolph Lundgren. Sortie le 9 janvier 2019.
 
Michael B. Jordan reprend les gants dans une suite aussi enthousiasmante sur le papier que frustrante à l’écran.

 

Note : 3/5

 
Sorti en 2016, Creed – L’héritage de Rocky Balboa, soufflait un vent frais et salutaire sur une saga tombée en désuétude depuis des années 80 qui ne l’auront pas épargné (il faudra attendre Rocky Balboa en 2006 pour que le célèbre boxeur retrouve sa superbe de manière aussi émouvante que maladroite). Beau succès au box-office mondial avec près de 175 millions de dollars de recettes (pour un budget de 35 !) le film intronisa directement Michael B.Jordan comme héritier naturel de Sly et ouvrit les portes du Wakanda à son réalisateur Ryan Coogler. Une nouvelle franchise était née appelant de manière toute aussi naturelle une suite. Et quoi de plus logique que de faire s’affronter le fils d’Apollo Creed et celui de son meurtrier, le terrible Ivan Drago ? Une idée aussi simple qu’enthousiasmante, renfermant en son sein son lot de duels cornéliens et de purs moments de rage. Étonnamment ce n’est donc pas sur le personnage-titre que Creed II s’ouvre mais sur ses Némésis : Drago, père et fils. Taiseux et rongé par la rancœur et la haine, Ivan Drago regarde l’horizon, rumine avant d’aller entrainer son fils. En quelques plans, les enjeux sont lancés : Creed II sera à la fois furieux et mélancolique, revanchard et apaisé. Sortez les gants, ça va chier ! Sur ce plan, la première partie ne déçoit pas, creusant un peu plus le sillon du 1er opus notamment à travers une relation Rocky/Adonis toujours plus émouvante et forte. L’ombre d’Apollo Creed continue de planer tel un fantôme bienveillant et l’on se dit que la confrontation avec Drago fils ne sera que plus forte surtout au regard des premières retrouvailles aussi sobres que tendues entre leurs ainés. A l’image de ce 1er face-à-face (qui n’est pas sans rappeler une certaine scène culte de Heat), Creed II n’a pas besoin de rouler des mécaniques pour souligner l’importance des enjeux et la tension qui s’en dégage, il sera, une fois n’est pas coutume, placé sous le signe de l’héritage et de la nécessité de s’en exhorter pour mieux l’honorer.  
 

Warner Bros
 

C’est à partir de la seconde partie que les choses se gâtent. Comme rattrapé par le fantôme de Rocky IV, le film – sans jamais délaisser son caractère intimiste – finit par suivre un cheminement ultra balisé, délaissant ses enjeux humains pour revenir aux fondamentaux des Rocky des années 80. Magnifiés dans la séquence d’ouverture, Ivan et Viktor Drago sont réduits à l’état de pions déshumanisés, simples rouages d’une mécanique bien trop huilée et se révèlent sous exploités en dépit de leur formidable potentiel dramatique. Si Dolph Lundgren étonne, révélant de prime abord de surprenants talents d’acteurs, son fils incarné par le boxeur Florian Munteanu se contente de bouger massivement en lançant à quelques reprises un regard bovin pour tenter de traduire une émotion. Dommage car si la volonté d’aller au-delà des antagonismes très 80’s de Rocky IV est là, elle se voit très vite annihilée par une volonté de troquer l’émotion au profit de l’efficacité qui la dessert totalement. De drame humain sur le poids des ainés, Creed II se transforme en simple film de boxe avec tout cela que cela implique de figures imposées (les entrainements montés parallèlement sur fond de musique lénifiante, les leçons de morale pré matchs…) jusqu’au combat final dont le caractère kitsch fait inlassablement penser à Rocky IV. Dès lors, impossible de ne pas penser au magnifique Warrior de Gavin O’Connor qui avait réussi à se servir du ring comme lieu de cristallisation parfait d’enjeux humains, familiaux, très proches de ceux de Creed II. A trop hésiter entre être la suite de Creed ou celle de Rocky IV, le film finit par créer une forme de lassitude, car s’il demeure bien meilleur que Rocky IV, on attendait davantage qu’il se hisse au niveau voire au-dessus de son prédécesseur contemporain. Las, s’il fait correctement le job, le film ne procure jamais de frissons, peine à emporter son spectateur pour mieux se transformer en Creed 1.0 plaisant mais jamais transcendant. A l’image de la mise en scène très fonctionnelle de Steven Caple Jr, Creed II se contente de cocher bien consciencieusement des cases et suit son cheminement de manière bien ordonnée voire dépassionnée. Restent un Michael B.Jordan toujours aussi magnétique et habité donnant admirablement le change à un Sylvester Stallone impérial. A eux deux, ils représentent le cœur même d’une saga au potentiel énorme qui pourrait bien surpasser ses ainés… à condition de l’assumer parfaitement.

 

Moins bon que Creed mais largement supérieur à Rocky IV, Creed II est un film bicéphale constamment le cul entre deux chaises mais magnifié par ses deux grands acteurs principaux.