Critique express : High Life

 

Un film de Claire Denis. Avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, André Benjamin. Sortie le 7 novembre 2018.
 
Robert Pattinson s’envoie en l’air dans un space opera aussi cryptique que fascinant.
 

Note : 3,5/5

 
Un vaisseau spatial dérive dans l’espace, à son bord : des condamnés à mort ayant accepté de servir de cobayes à une expérience de repeuplement de l’espèce humaine. Entre les mains de n’importe quel yes man, ce pitch aurait donné lieu à un space opera sévèrement burné avec supplément de muscles huilés et de regards langoureux entre deux cobayes. Sauf qu’ici nous sommes dans un film de Claire Denis et que le résultat s’avère forcément plus singulier… et donc d’autant plus fascinant. Chassant autant sur les terres de Silent Running que de Solaris, la cinéaste démystifie le genre pour mieux lui donner des contours à la fois métaphysiques mais également terriblement humains. Jonglant autant sur le mode de l’intime que du space opera métaphysique, High Life se révèle aussi ambitieux à l’écran que dépouillé à l’écrit et peut se regarder comme une sorte d’état des lieux de l’épure dans l’espace. En dépit de son sujet sulfureux, elle évite sciemment de tomber dans les pièges du romantisme exacerbé ou du racolage forcené pour mieux dérouler une sorte d’odyssée humaniste d’une profonde mélancolie. Si le traitement peut paraitre clinique, froid, il reste parfaitement raccord avec le rapport très personnel que Claire Denis entretient avec le cinéma de genre entre amour sincère et désir de le porter vers des sentiers plus rugueux, sensoriels.
 

Wild Bunch
 

En cela, on pourrait rapprocher High Life d’Under the skin notamment dans son utilisation des palettes chromatiques (bleue chez le premier, noir dans le second) qui par leur omniprésence menacent à tout moment d’engloutir les personnages et son rapport dépassionné au sexe. Loin de toute velléité provoc, elle désincarne cette notion même pour la ramener à sa fonction la plus basique, la moins glamour et arrive pourtant à y déceler une certaine beauté même dans ses moments les plus crus. En témoigne cette scène de masturbation, anti sensuel au possible mais qui par la grâce de Juliette Binoche et la caméra tout en sensualité de Claire Denis, devient un modèle d’incarnation charnel. Se laisser happer par High Life nécessite d’être réceptif au cinéma de Claire Denis, d’être projeté hors de sa zone de confort pour mieux se laisser bercer (dans tous les sens du terme) par un voyage fait de silences, peinture d’un quotidien aliénant où la survie à la fois biologique et mental de l’homme est en jeu. Parfait dans la peau d’un homme en quête de sens, Robert Pattinson illumine cette odyssée intérieure belle mais parfois trop prisonnier de ses références.
 
 

Faux space opera mais véritable odyssée intime, High Life devrait ravir les amateurs du cinéma de Claire Denis et déconcerter le reste du public.