Critique : Fast & Furious – Hobbs & Shaw

 
Un film de David Leitch. Avec Dwayne Johnson, Jason Statham, Vanessa Kirby. Sortie le 7 août 2019.
 
Deux des personnages les plus charismatiques de la saga Fast & Furious s’échappent pour rouler en duo. Pari réussi ?

 

Note : 3/5

 
Plutôt décevant malgré des cascades toujours plus démentes et une Charlize Theron convaincante en méchante hackeuse, Fast & Furious 8 pouvait toutefois compter sur les présences de Dwayne Johnson et Jason Statham pour redonner au film le quota de taurine dont il avait besoin. Entre deux séquences de nawak intégral, le film s’autorisait une petite parenthèse bien burinée en nous montrant Luke Hobbs (Dwayne Johnson) et Deckard Shaw (Jason Statham) se toiser avec la subtilité d’un éléphant en rut avant de casser des bras à tout va et éclater du maton façon puzzle lors d’une séquence d’évasion spectaculaire et ultra chorégraphiée. Et tandis que le spectateur voit Vin « baboulinet » Diesel pédaler méchamment dans la semoule en compagnie de ses potos, le spectateur se surprend à rêver de ce que donnerait un film entièrement consacré au personnage le plus charismatique de la franchise Fast &Furious et à son meilleur ennemi. D’autant que contrairement à un Vin Diesel plus intéressé à rouler des mécaniques qu’à travailler en équipe, l’alchimie entre Johnson et Statham est évidente, les deux hommes ne rechignant jamais à jouer de leurs images. Et si leur escapade carcérale dans FF8 n’était qu’un avant-gout de ce qui pourrait potentiellement nous attendre, alors le résultat promettait d’être grand. Deux ans plus tard ce qui devait arriver arriva : le dieu des muscles bandés et suintant à entendu nos prières et nous gratifie d’un Hobbs & Shaw dévoilé dans toute sa splendeur par une pelletée de bandes-annonces certes trop longues mais ô combien grisantes. Face à l’absence de concurrents sérieux, Hobbs&Shaw se charge donc à lui tout seul d’occuper la place du divertissement estival mélangeant espionnage, action à gogo et cascades surhumaines. Entre le rigorisme d’un Mission : Impossible et le nawak d’un Fast&Furious, David Leitch a décidé de ne pas choisir en nous offrant un blockbuster un peu bâtard empruntant au premier sa propension à réaliser l’impossible à tout prix et au second sa beauferie façon « c’est moi qui ai la plus grosse » 
 

Universal Pictures

 

Un mélange qui fonctionne du tonnerre dans sa première partie : les vannes fusent à la vitesse d’un cheval au galop, les balles sifflent et on prend un réel plaisir à voir ces deux têtes de pioche se tirer la bourre. A cela s’ajoute un Idris Elba monstrueux de charisme en super-méchant génétiquement modifié puant la classe avec sa moto bionique. Contrairement à la franchise matricielle phagocytée par l’ego de Vin Diesel, Hobbs& Shaw ne se donne pas d’air de clip auto tunée de Pitbull et opte pour une coolitude et un second degré bienvenus. Comprendre par là que jamais, le film ne se prend vraiment au sérieux, il préfère au contraire capitaliser sur la complicité de ses deux stars comme tout bon buddy movie. Une heure durant, Hobbs& Shaw vend du rêve et s’impose comme une drôle d’excroissance, la rencontre improbable entre Tango&Cash et G.I.Joe qui auraient accouché ensemble d’un bébé dopé aux hormones de croissance ! Et oui comme dans Tango&Cash, Hobbs&Shaw s’amuse à opposer la force tranquille de l’un à l’enthousiasme « benallien » de l’autre avec au centre une frangine plus proche de la Wonder Woman façon MMA que de la demoiselle en détresse, et interprétée par une Vanessa Kirby très convaincante.  Mais à se voir trop gros, le film finit par tourner en rond et perd quelque peu de son énergie dans une seconde partie redondante et inutile où l’équipe joue la montre pour dépasser les deux heures. En parlant d’énergie, il faut bien avouer qu’on en attendait un peu plus de la part de David Leitch, papa de John Wick et Atomic Blonde, qui en deux films aura imposé de nouveaux standards dans le cinéma d’action. Si le monsieur se révèle moins à la ramasse que sur Deadpool 2, c’est pour mieux nous gratifier d’une mise en scène beaucoup trop fonctionnelle et manquant singulièrement de folie. Dommage car il y avait dans sa manière de mettre en scène les corps dans l’action, ce sentiment d’urgence, de frénésie qui aurait pu ici faire des étincelles. Et si le résultat final ne démérite pas – en grande partie grâce à son duo star – il reste encore trop prisonnier du cahier des charges imposé par Fast & Furious. A charge donc pour Hobbs & Shaw de trouver pour leurs prochaines aventures leur Christopher Mc Quarrie (ou Justin Lin) afin de s’imposer comme un concurrent sérieux aux deux « patrons » du blockbuster buriné… quitte à prendre la place de la franchise qui l’a vu naitre ? Au regard du capital sympathie suscité ici, notre cœur balance !
 

Handicapé par un cahier des charges stylistique trop marqué, Hobbs&Shaw s’en sort grâce à son duo vedette à l’alchimie évidente et s’impose faute de compétition comme LE blockbuster de l’été. K.O. par forfait !