Critique : Flight

 

Un film de Robert Zemeckis. Avec Denzel Washington, Kelly Reilly, John Goodman. Sortie le 13 février 2013.

 

Denzel Washington tutoie les étoiles devant la caméra aérienne de Robert Zemeckis.

 

 Note : 4/5

 

Artisan multi taches et fier représentant d’une certaine idée du grand cinéma hollywoodien, Robert Zemeckis revient nous en mettre plein la vue avec Flight. Aussi sobre que ses récentes réalisations (Le Drôle de Noel de Scrooge, La Légende de Beowulf…) étaient visuellement impressionnantes, Flight permet au cinéaste de dérouler un nouveau parcours épique cette fois ci à hauteur d’homme. Comprendre qu’ici Zemeckis se veut plus intimiste à travers l’histoire de ce pilote de ligne ayant miraculeusement réussi à faire atterrir son avion mais dont l’exploit a mis en lumière sa dangereuse addiction à l’alcool. Un pitch à priori classique, idéal pour faire la joie des networks américaine à travers un téléfilm bien comme il faut mais qui, entre les mains de Zemeckis prend une toute autre ampleur. Il faut dire que dès l’ouverture faisant la part belle aux cadavres de bouteilles d’alcool, rails de coke et autre full frontal en pagaille le ton est donné : Flight ne va pas nous caresser dans le sens du poil mais compte bien nous toucher au cœur sans même qu’on s’en aperçoive ! Passé une impressionnante séquence de crash (démontrant une fois n’est pas coutume l’indéniable talent de Zemeckis pour nous scotcher à notre fauteuil), Flight dresse le portrait d’un homme en proie à ses démons chargé de faire voler les autres mais à qui on aura coupé les ailes. Sans autre artifice que son formidable comédien principal, le film traite du difficile problème de l’alcoolisme. Mais là où il se révèle judicieux c’est dans sa manière de mettre en exergue les étonnants paradoxes soulevés par cette addiction.
 

© Paramount Pictures
© Paramount Pictures

 
Jamais hautain ni moralisateur, Flight se garde bien de juger son personnage principal ni même de l’ériger comme héros. Ici, tout passe par une mise en scène inventive mais jamais m’as tu vu et des personnages forts. A commencer par Whip interprété par un Denzel Washington impressionnant de franchise. Tour à tour charismatique et pathétique, adorable et odieux, il compose à merveille les multiples facettes d’un homme complexe aux fêlures innombrables.  Il livre une composition intense et fiévreuse triturant avec une justesse incroyable son image de gendre idéal.  A ses cotés, Kelly Reilly se révèle étonnante de fragilité en junkie cherchant désespérément la rédemption tandis que John Goodman campe un savoureux démarquage de Walter Sobchack dans The Big Lebowski. Flight c’est avant tout une histoire de combat – celui d’un homme contre lui même – de pardons impossibles, de douleurs refoulées… et de résurrection. Une fable américaine mais dans le très bon sens du terme en cela qu’elle renvoie en termes de dramaturgie à tout un pan de l’âge d’or du cinéma US. Il y a quelque chose à la fois d’Hawks et de Capra dans ce récit autour de la notion d’icône, une volonté de gratter le vernis populaire et médiatique pour mieux se rattacher à l’humain. Oui, Flight est un grand film, un modèle d’écriture et de mise en scène ne versant jamais dans le pathos.  En toute sobriété (sic !) Flight déroule une histoire poignante et d’une belle puissance évocatrice.
 
 

Taillé sur mesure pour les Oscars, Flight nous rappelle que les plus grandes histoires sont souvent les plus simples.