Critique : Get on Up

 

Un film de Tate Taylor. Avec Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Dan Akroyd. Sortie le 24 septembre 2014.

 

James Brown prend vie dans un biopic aussi déconcertant et gentil que fiévreux et endiablé. L’art du paradoxe dans toute sa splendeur !

 

Note : 3,5/5

 

Sortie en 2009, l’excellent documentaire Soul Power analysait de manière très pertinente l’impact à la fois social et culturel du Rythme & Blues à travers le festival Zaire ’74 réunissant les plus grands noms du genre à l’occasion du mythique combat opposant Mohamed Ali à George Foreman .Point d’orgue de cette rencontre forcément historique : le concert du grand James Brown, véritable catalyseur de toute la portée symbolique, philosophique de la soul music. Dans un tout autre registre, Get on Up, lui, propose de revenir aux origines du mythe de James Brown et de ce qu’il a apporté à la musique. A la croisée des chemins entre hagiographie et biopic musical, Get on Up détonne de par son approche atypique du genre. Il faut dire qu’avec sa narration éclatée, ses allers et retours constants et son utilisation de la temporalité, le film a de quoi déconcerter un public habitué à des biographies plus consensuelles. Très conceptuel dans sa forme, le long métrage de Tate Taylor se conçoit davantage comme un voyage dans l’âme du parrain de la soul. Comprendre par là qu’il n’ambitionne pas tant de raconter l’histoire de James Brown que de nous la faire vivre à travers ses yeux, via les événements qui l’auront marqué et fait de lui l’homme qu’il a été. Aussi, si les numéros musicaux se succèdent à un rythme souvent endiablé, ce ne sont pas tant eux qui polarisent l’attention. Au contraire, on serait même amenés à dire qu’ils sont avant tout déterminés par l’usage d’un storytelling ludique qui avait déjà fait merveille dans le malin Edge of Tomorrow aussi scénarisé par Jez Butterworth. On y retrouve ici cette même volonté de triturer un genre ultra balisé pour en faire un objet autre à la fois mainstream et expérimental. D’où une certaine difficulté à ranger Get on Up dans une case bien précise tant il s’amuse à brouiller les pistes pour mieux jouer avec le spectateur et raconter l’histoire derrière l’Histoire. Une odyssée plus émotionnelle que purement factuelle qui se garde bien d’explorer les versants sombres de son personnage même lorsque celui-ci emprunte de sinueux chemins. Une absence de risque somme toute relative compensée par de vrais partis pris à la fois formels et narratifs.

 

© Universal Pictures
© Universal Pictures

 

Car ce qui importe Tate Taylor n’est pas tant de raconter la vie de James Brown mais plutôt comment l’homme a pu parfois être pris au piège de sa propre légende, laissant ici et là le personnage prendre le pas sur l’être humain. A l’image du raté La Dame de Fer, Get on Up opte donc pour une approche éminemment personnelle afin de créer l’empathie. Sauf que là où le film de Phyllida Lloyd prenait de scandaleuses libertés avec l’Histoire, Get on Up n’apparaît pas comme une tentative de réhabilitation de son héros à travers de vaines justifications. Comme énoncé précédemment, ce long-métrage se garde bien de toute polémique et préfère expliquer comment la musique et un caractère bien trempé ont forgés un destin parfois même au détriment des autres. A ce titre saluons la prestation fiévreuse et endiablée de Chadwick Boseman (l’inédit 42 de Brian Helgeland) littéralement habité dans la peau d’un James Brown aux multiples facettes tour à tour ami fidèle et tyran professionnel, père attentionné et mari jaloux mais véritable bête de scène emportant tout sur son passage. On ne le dira jamais assez : il EST la véritable révélation du film, son essence vitale, celle qui le fait passer du statut de vrai/fausse bio à celui de véritable spectacle aux beats ravageurs. Plus encore que le reste, c’est ce magnétisme scénique que Tate Taylor parvient parfaitement à capter via notamment une BO survitaminée. Le sens du spectacle, voilà le véritable leitmotiv de Get On Up qui pulse avec la vitalité d’un jeune poulain lancé à pleine vitesse. Il faut dire qu’au poste de producteur on retrouve Mick Jagger, autre showman qui a bien compris que les légendes de la musique se créent devant un micro et pas backstage. C’est peut-être bien là au final que réside le véritable intérêt de Get on Up.

 

 

Biopic quasi conceptuel, Get on Up ne vous apprendra strictement rien de nouveau sur James Brown mais pourrait vous surprendre sur bien d’autres points.