Critique : Habemus Papam

 

Un film de Nanni Moretti avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr.Sortie le 7 septembre 2011.

 

Nanni Moretti invente la psychanalyse papale et le spectateur rit autant qu’il réfléchit.

 

NOTE 3,5/5

 

En choisissant de démystifier voire de désacraliser le Pape, Nanni Moretti n’a pas manqué de culot sans pour autant livré un film polémique. Habemus Papam n’est pas un pamphlet politique contre le Vatican mais une comédie dramatique qui tourne en ridicule le Saint-Siège tout en humanisant le Pape qui est présenté comme un homme refusant son statut d’icône. Moretti prend le risque de se mettre à dos plus de deux milliards de fidèles en osant montrer un Pape douter de sa force et de sa volonté à guider les foules. Quand le Cardinal Melville, choisi par ses pairs au cours d’un Conclave tout aussi burlesque que le reste du film, prend conscience de ses faiblesses, il ne remet pas en cause sa foi mais sa capacité à être LE leader.  Alors que les doutes et les questionnements du Pape prêtent à la réflexion, la représentation des cardinaux est parfois hilarante avec leurs discussions dignes du café du commerce et leurs prières intérieures pour ne surtout pas être élus à la fonction suprême. Certains vont même jusqu’à se soucier des paris que les bookmakers avaient fait sur eux avant l’élection. Le ridicule ne tue pas mais il conduit à la farce. Farce emmenée de main de maître par Moretti co-scénariste et metteur en scène et Moretti acteur, interprète d’un psychanalyste dépêché de toute urgence par le Saint-Siège pour remettre d’aplomb ce Pape indécis.

 

© Le Pacte

 

Et puis, il y a le pauvre psy Moretti qui, pour respecter l’anonymat du Pape élu et éviter de s’étaler dans la presse, se voit obliger de rester vivre au Vatican le temps que Melville se décide à enfin devenir Pape. Le psychanalyste est d’autant plus ridicule qu’il est un de ces individus faussement modestes. Mais c’est la psychanalyse qui en prend un coup aussi avec ses discours préconçus et ses conclusions toujours les mêmes. Derrière la comédie satirique, le drame intime surgit dans la figure de Michel Piccoli, touchant avec son regard de vieillard tantôt effrayé de redécouvrir le monde extérieur à sa prison dorée du Vatican et tantôt émerveillé de remettre les pieds dans un théâtre, lui qui, plus jeune, voulait devenir comédien. Mais être Pape n’est pas un rôle comme les autres et les responsabilités de cette fonction ont poussé Melville à l’introspection et au doute. L’enfermement est un thème clé du film. Le spectateur est lui tantôt hilare par certaines scènes burlesques, tantôt attendri et ému par la performance de Piccoli, tantôt critique à l’égard du fonctionnement même du Vatican, véritable appareil politique avec sa langue de bois, ses mensonges et ses protocoles. Le film perd un peu de son mordant et de son intensité vers la fin. Moretti acteur propose une partie de volley-ball aux Cardinaux pour les faire patienter pendant que le (faux) Pape se repose dans ses appartements. Tandis que Moretti metteur en scène prend prétexte de cette séquence pour combler un petit vide dans le scénario avant le final un brin frustrant.

 
 

Habemus Papam est le film de cette rentrée, à la fois divertissant, intelligent et original. Quant à Moretti, il s’impose comme le Pape du cinéma italien contemporain.