Critique : Jason Bourne

 

Un film de Paul Greengrass. Avec Matt Damon, Alice Vikander, Tommy Lee Jones. Sortie le 10 aout 2016.

 

Neuf ans après avoir tiré sa révérence avec pertes et fracas, Jason Bourne revient solder quelques comptes et faire toute la lumière sur un passé avec lequel il pensait être en paix. Messieurs de la CIA, planquez vos hommes de main, Bourne est sorti de sa tanière et il est en pétard !

 

Note : 2/5

 

On prend les mêmes et on recommence, tel pourrait être le credo de ce quatrième opus (cinquième si l’on compte le neurasthénique spin-off avec Jeremy Renner sorti il y a quatre ans) des aventures du plus bourre-pif des agents secrets. Matt Damon et Paul Greengrass rempilent respectivement devant et derrière la caméra, et si le retour de la dream team fait plaisir à voir, le cœur lui ne semble plus vraiment y être pour les deux hommes qui peinent à masquer les faiblesses de ce qui s’assume d’emblée comme une vaine tentative de relancer la franchise. A l’image de Jason Bourne : l’héritage, ce nouveau volet n’apporte strictement rien de neuf que ce soit au niveau de la mythologie ou du personnage principal et se contente de faire constamment de l’œil aux opus précédents. Tout aussi bourrin mais beaucoup moins ludique dans sa manière d’ausculter le monde qui l’entoure, Jason Bourne fait office de parent pauvre par rapport à ses grands frères. Car si la franchise Bourne a effectivement révolutionné les codes du film d’espionnage, ce n’était pas seulement grâce à son approche éminemment frontale de l’action mais aussi par sa manière de dérouler ses enjeux sur une échelle tellement grande qu’elle en devenait fascinante, se muant ainsi en digest façon « Courrier international » du bourrin beaucoup plus fin qu’il n’y paraît.  Alors qu’on était en droit d’espérer que ce Bourne intègre, digère, à sa sauce une décennie de bouleversements géopolitiques, il faudra se contenter d’une sorte « d’upgrade » invoquant de manière aussi opportune que paresseuse l’affaire Snowden ou l’insurrection grecque.

 

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Universal Pictures

 

Jason Bourne exploite des peurs très actuelles de manière extrêmement grossières se muant en « Big Brother pour les nuls » là où davantage de finesse se serait révélée plus impactant. Las, le film radote inlassablement les mêmes thématiques exploitées depuis la création de la franchise. L’absence de Tony Gilroy à l’écriture au profit de Paul Greengrass se fait douloureusement ressentir jusque dans l’intrigue seulement mue par un « twist » qui aurait pu largement être intégré aux films précédents si bien qu’on se demande si ce retour s’imposait vraiment. Reste la mise en scène toujours aussi alerte et frontale de Paul Greengrass pour sauver les meubles. En mode « reporter de guerre », le cinéaste suit au plus près les pérégrinations de son personnage principal et nous offre des scènes d’action toujours aussi percutantes, marque de fabrique de la saga, exploité ici à un niveau assez impressionnant. En témoigne une incroyable séquence de poursuite finale. Greengrass gère l’espace avec toujours autant de maestria et si l’on pourra regretter une propension à user de ses tics formels au point de se singer, le résultat est là, toujours aussi efficace et brut ! Mais est-ce suffisant pour faire de ce Jason Bourne une réussite ? Clairement non tant ce retour apparait opportuniste et symptomatique d’un manque d’inventivité flagrant. La messe a été dite dans Bourne Ultimatum, il est temps de laisser notre super agent en paix.

 

Alerte et frontal, Jason Bourne aurait pu secouer notre été boursoufflé s’il n’avait été nanti d’un scénario aussi poussif et bête. En l’état, un retour qui ne s’imposait pas.