Critique : John Wick Parabellum

 

Un film de Chad Stahelski. Avec Keanu Reeves, Halle Berry, Laurence Fishburne. Sortie le 22 mai 2019.
 

Keanu Reeves continue à dézinguer des tueurs avec classe et entrain mais la formule, elle, ne serait-elle pas en train de montrer ses limites ?
 

Note : 3/5

 
A défaut d’avoir révolutionné le cinéma d’action, la franchise John Wick en a redéfini les codes pour le meilleur (le bien nommé Atomic Blonde) ou pour le pire (le soporifique 24H Limit). Petite bouffée d’air frais réalisé à quatre mains par le duo David Leitch/Chad Stahelski qui signait ici son baptême du feu derrière la caméra après deux décennies de bons et loyaux services comme cascadeurs (notamment sur la trilogie Matrix), le premier opus de John Wick à défaut de faire dans l’originalité intronisait un anti-héros badass à souhait au sein d’une mythologie fascinante à base d’organisation criminelle secrète aux ramifications immenses au fonctionnement très corporatiste. Mais si John Wick est resté dans les mémoires c’est bien entendu pour ses gunfights légendaires et nerveux, calculés au millimètre près et d’une beauté renversante. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions vu gestion de l’action dans l’espace aussi bien maitrisée… ou comment cette dernière en véritable ballet de la mort. Réalisé en solo par Chad Stahelski pendant que son comparse creusait son sillon avec Atomic Blonde et Deadpool 2, John Wick 2, montait d’un cran via des chorégraphies toujours plus enthousiasmantes et des parti-pris esthétiques étonnants. Le résultat, à mi-chemin entre le cinéma de John Woo et celui de Dario Argento était d’une redoutable efficacité tout en témoignant d’une réelle ambition d’emmener la franchise vers des cimes insoupçonnés. Une réelle réussite qui augurait du meilleur pour le troisième opus que l’on pouvait déjà classer dans le top des films les plus attendus de 2019. John Wick Parabellum démarre donc quelques minutes à peine après la fin de son prédécesseur. Excommunié pour avoir commis un meurtre dans le sacro-saint Hôtel Continental, John Wick devient donc la cible prioritaire des tous les tueurs à gages existants. Dès son ouverture en fanfare, John Wick Parabellum se montre largement à la hauteur des attentes suscitées et nous offre une incroyable course-poursuite dans les rues de New-York. Mené tambour battant, le film dans sa première moitié embarque littéralement le spectateur dans une virée infernale faite de combats tous plus impressionnants et brutaux les uns que les autres nous laissant presque exsangue après seulement vingt-minutes. A bout de souffle, totalement happé, le spectateur – à l’image de John Wick – semble bien parti pour n’avoir aucun répit. Il se faut de peu pour qu’on se dise à ce moment-là que ça y est la franchise a enclenché la 3ème, voire la 4ème vitesse pour nous offrir un véritable feu d’artifice. A mesure que John Wick poursuit son périple, la mythologie du film s’étoffe et nous fait découvrir un monde encore plus interlope que possible. Dès lors tout est possible et notre tueur en costard est bien parti pour s’affranchir de toutes les limites possibles et inimaginables. Une première partie new-yorkaise incroyable repoussant encore une fois toutes les limites de ce que la franchise nous avait offert jusque-là et augurant du meilleur pour l’heure à suivre. A moins que…
 

Halle Berry et Keanu Reeves dans John Wik Parabellum. Metropilitan Filmexport
Halle Berry et Keanu Reeves dans John Wik Parabellum. Metropilitan Filmexport

 

Ne sachant visiblement pas quoi offrir en plus au spectateur après cette première partie ébouriffante, Chad Stahelski prend le parti d’en faire trop et part dans tous les sens en commettant l’erreur d’exiler son héros hors des frontières géographiques qui lui étaient jusqu’ici imposées pour finalement… tourner en rond ! Passé une ballade tonitruante avec Halle Berry au Marrakech, le film donne l’impression de ne plus trop savoir où il va et navigue à vue. En effet, il faudra attendre l’arrivée de John Wick au Marrakech et sa rencontre (ATTENTION SPOILERS) avec un Said Taghmaoui aussi peu crédible que gênant en saint patron des tueurs (FIN SPOILERS) pour que le film à défaut de s’enliser dans le nanar (malgré la tenue de Taghmaoui) tombe dans une certaine routine. Trop occupé à jouer constamment la montre pour ouvrir sur un quatrième (et dernier ?) épisode, John Wick Parabellum étire ses enjeux, radote jusqu’à nous offrir des combats qui gagnent en efficacité ce qu’ils perdent en originalité allant même piquer chez les petits copains à l’image de cette poursuite en moto lorgnant un peu trop du coté de The Vilainess. Ne semblant plus trop savoir à quel saint flingueur se vouer, le film multiplie les ruptures de tons et les clins d’œil métas parfois au détriment même de certains  personnages,comme ceux interprétés par Mark Dacascos ou encore Halle Berry tous deux sous-exploités malgré un énorme potentiel. Contrairement à ses prédécesseurs, John Wick Parabellum ne veut plus miser sur son sentiment d’urgence préférant privilégier la castagne au détriment de toute tension, transformant par là même son héros en surhomme invincible. Malgré ces défauts, difficile de bouder son plaisir tant le film reste un bon cran au-dessus du tout venant en termes de cinéma d’action et continue à nous procurer un plaisir aussi jouissif que fugace avec de belles montées d’adrénaline. Comprendre par là que même en mode mineur, John Wick continue de donner le là et c’est tant mieux. En attendant que David Leitch rebatte les cartes cet été avec Fast & Furious : Hobbs & Shaw ? Les paris sont ouverts.
 

Passé une incroyable première partie, John Wick Parabellum s’essouffle mais demeure toujours aussi jouissif, dommage qu’en route il ait confondu mise en scène et chorégraphie.