Critique : Killer Joe


Un film de William Friedkin. Avec Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Juno Temple. Sortie le 5 septembre 2012.

 

Le réalisateur de L’Exorciste revient plus en forme que jamais avec cette peinture au vitriol de l’Amérique.

 

Note : 3,5/5

« Killer Joe, c’est un peu l’histoire de Cendrillon sauf que le prince charmant est un tueur à gages » WF

Une bande de rednecks dégénérés, une distance bienvenue, ou une photo citant les poncifs du Texas et de l’imaginaire collectif, aucun doute : le réalisateur de L’Exorciste connaît ses classiques. De U-Turn à The Killer inside me en passant par les frères Coen, cette (ir)révérence est donc le premier détail qui saute aux yeux (et à la gorge) de ce nouvel opus tant attendu.  De cette galerie des horreurs lorgnant parfois du coté second degré d’un Rob Zombie (avec moins de hargne tout de même), le cinéaste fait le choix du grotesque et de la direction d’acteurs comme colonne vertébrale du récit. Tous sont au top : Matthew McConaughey en mode tueur à gages s’éclate, et Gina Gershon, toujours portée par ce faciès unique, tient l’un des meilleurs rôles de sa carrière après Bound. Cabotinage ou second degré, la lisière entre les deux ressemble cette fois au fil de soie… En effet, faut-il sous couvert du postulat d’un polar teinté, comme toujours, de violence, de sexe et de chaleur étouffante, ne voir dans Killer Joe qu’un film dont les défauts découlent de sa démarche ? Pas sûr… Pourtant, impossible de nier un Emile Hirsh effacé et presque insipide (faute à une écriture manquant de matière) alors que sa petite sœur crève l’écran : Juno Temple, énorme.

 

Emile Hirsch et Matthew McConaughey dans Killer Joe de William Friedkin
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Comme nous l’évoquions plus haut, cette détonation éclate 20 ans après certains illustres prédécesseurs, Oliver Stone en tête. Et malheureusement, le tableau ne s’arrête pas là… Friedkin privilégie ainsi une approche académique du montage et de l’illustration là où une certaine folie formelle semblait salutaire. Un ultime pied de nez ? Peut-être, mais nous le savons, Will est un  dur-dingue qui continue à éduquer l’Amérique à coups de baffes dans la gueule. Tout comme ses personnages oscille entre avarice, luxure (quelle scène de fellation au goût… particulier !), violence crue (le climax est dantesque) et abandon de toute moralité, le réalisateur du fantastique Bug joue avec nos certitudes de cinéphiles, envoie valser les conventions et met à mal son bébé. Plutôt agaçant de prime abord, on apprécie avec le recul nécessaire cette descente aux enfers décapante qui laisse un goût de souffre dans la bouche. Subversif : le quidam utilise et tue ses propres enfants, c’est un salaud, et eux aussi. Killer Joe est donc un film à digérer. (SIC). Le script tient sur un post-it, le score décalé se moque de nous, et la réalisation fait risette aux critiques de tous bords. Sournois, narquois, Friedkin surplombe l’Amérique avec un regard inquiet mais lucide.
 
 

Avec Killer Joe, William Friedkin s’enivre sans considération et fait ce qu’il fait de mieux : décrire les tréfonds de la psychè humaine et l’illustrer par un rire jaune. Sacré bonhomme !