Critique : La Piel Que Habito

 

Un film de Pedro Almodovar. Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes. Sortie le 17 aout 2011.
 
Pedro Almodovar opère une drôle de mue et entraine Antonio Banderas dans son sillage. Vague de chaleur en perspective.

 

 

Note : 3,5/5

 

 

Quand Almodovar revisite le cinéma de George Franju et David Cronenberg, le résultat suscite forcément la curiosité. Version ultra sexuée des Yeux sans visage, La Piel que Habito peut être vu comme un retour aux sources chez le cinéaste toujours prêt à  explorer les relations hommes/femmes et la confusion des genres avec la malice qu’on lui connait. Sauf que là, le plus caliente des réalisateurs espagnols va encore plus loin en irriguant son film d’une perversité qui n’est pas sans rappeler La loi du désir. Ainsi, La Piel que habito n’est pas tant une incursion d’Almodovar dans le sillon du cinéma de genre qu’une nouvelle perspective donnée à ses obsessions les plus tenaces. Un peu comme si Frankenstein et Attache moi s’étaient rencontrés à un drôle de confluent pour donner naissance à une œuvre hybride aussi esthétiquement belle que moralement dérangeante. Sexe et violence s’entremêlent dans une ambiance ouatée pour mieux faire naitre les sentiments les plus ambivalents. Difficile d’aller plus loin sans  éventer le twist, certes prévisible mais néanmoins totalement déviant, sachez seulement que les fans du cinéaste se retrouveront en territoire doucement connus tandis que les novices risquent bien de ressortir avec une idée totalement biaisée de nos amis ibériques. A ceux là on ne saurait trop recommander de voir les premières œuvres d’Alex de la Iglesia avec lesquelles le film entretient une certaine filiation. Pas étonnant quand on sait qu’Almodovar a produit  Action Mutante il y a presque vingt ans.

 

© Pathé Distribution

 

Ancienne figure de proue du cinéma almodovarien, alliant à la fois beauté latine et sadisme amoureux exacerbé, Antonio Banderas replonge dans ce labyrinthe des passions avec une joie non feinte. Tour à tour vulnérable et inquiétant, il incarne à la perfection Robert Ledgard, un Genessier moderne petit à petit pris dans les mailles de son propre piège. A l’image du célèbre savant fou crée par Mary Shelley, Ledgard voue une attraction/répulsion certaine pour sa créature dont les danses charnelles exercent un doux pouvoir de séduction sur le public. Face la superbe Elena Anaya dégage une sensibilité à fleur de peau (c’est le cas de le dire !) jouant adroitement sur plusieurs tableaux. Dès lors, peu importe sur l’ensemble se montre un poil trop mécanique et prévisible, l’accent étant avant tout mis sur une atmosphère d’autant plus sournoise qu’elle n’apparait jamais comme oppressante. L’abject peut porter le masque du beau et les apparences n’ont jamais été aussi trompeuses. Plus que jamais La Piel que Habito interroge notre rapport au corps, à notre sexualité de la manière la plus extrême qui soit. On en ressort à la fois émerveillé et terrifié par un exercice de style aussi fou. Classique mais tellement efficace !

 

 

Prévisible, La Piel que Habito est une fable amorale et cruelle ne tranchant finalement pas tant que ça avec les récents mélos du cinéaste.