Critique : La Planète des singes – l’affrontement

 

Réalisé par Matt Reeves Avec Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman. Sortie le 30 juillet 2014.
 

Bien plus qu’un divertissement ; La Planète des singes : L’affrontement est un vrai coup de maître qu’il sera difficile de surpasser.

 

Note : 4,5/5

 

Trois ans… Trois longues années à trépigner devant le plan clôturant La Planète des singes : Les Origines… Imaginer le siège dantesque de cette ville symbole de toutes les folies, mégalomane et cynique nous envoyant en pleine face l’histoire récente de notre humanité (tout au moins depuis l’industrialisation), force est de constater que l’attente fut sacrément éprouvante. A jouer à Dieu, le roman de Pierre Boulle nous mettait en garde il y a cinquante ans : le retour de force risque de s’inviter avec pertes et fracas. Doté d’une aura insoutenable (belle leçon de com.) et faisant suite à un premier volet sacrément réussi malgré certains effets spéciaux inégaux, le film de Matt Reeves (Cloverfield) lorgne t-il ainsi du côté de la fable universelle et désenchantée offerte par Franklin J Schaffner ou de la complète déconfiture sur l’autel du dieu consensuel ? Porté par un casting quatre étoiles : Gary Oldman, Jason Clarke (Des Hommes sans loi) et Andy Serkis (qu’il serait sacrément temps de consacrer), La Planète des singes : L’affrontement porte en lui les espoirs de toute une génération de cinéphiles désirant marier budget mainstream et propos réfléchi : De HBO à Bioshock, d’Alan Moore à Frank Darabont. Autant le dire tout de suite, le film est une bombe ! Exalté par un décorum post-apocalyptique absolument dantesque (on pense énormément au chef d’œuvre vidéo-ludique The Last of us), le film cite 28 jours plus tard par certains tableaux révérencieux, The Dark knight (l’inspiration de la sombre trilogie de Nolan est plus qu’explicite), King Kong ou La Machine à explorer le temps de Simon Wells. Prouesse visuelle durant plus de deux heures, la pellicule semble avoir bien plus que 3 ans d’écart avec son prédécesseur. Un véritable gouffre visuel sépare désormais les deux longs métrages et l’expression simiesque de Serkis est à tomber lors de certains plans iconiques. Enchainant les morceaux de bravoure (on pense au siège, au duel avec les dissidents, aux incendies), cette nouvelle mouture crache sa rage et transpire la colère. Le souffle coupé devant l’ampleur et l’ambition affichées, on aurait par contre apprécié certains enjeux scénaristiques plus approfondies.

 

©20th Century Fox
©20th Century Fox

 

En effet, les thématiques un peu grossières (notamment le parallèle avec le massacre des Indiens d’Amérique) ou le traitement par-dessus la jambe des humains sont sans nul doute les obstacles empêchant définitivement le film d’entrer au panthéon des œuvres cultes de science fiction. Des personnages fades et sans épaisseur (les deux mercenaires qui picolent, Keri Russell…) ou un affect trop esquissé avec les primates éclipsent en effet tout l’intérêt de l’opposition des deux camps, de l’historique de la pandémie (balayé en deux minutes en début de métrage) ou du traumatisme de survie. Dommage quand on sait qu’un Gary Oldman exploité en mode « Gouverneur de Walking Dead » aurait sans doute renforcé l’identification. Le cœur du propos n’est donc pas humains contre primates, il est bien plus complexe. Perdu dans les méandres de la psyché, il est dans ce moment caméo de César avec sa figure paternelle, dans le regard de Koba qui « singe » nos propres défaillances ou dans la répétition des mêmes erreurs ad vitam aeternam… Une fatalité exprimé avec le même désespoir que Will Smith à la toute fin de Je suis une légende, un chute vers une fin inéluctable. Proposant de nombreux niveaux de lecture (expérimentation animale, cruauté, loi du talion ou main basse sur la (notre) nature), ce préquel du classique de 1968 annonce en tout cas un troisième volet encore plus spectaculaire (si c’est possible), et aux enjeux qu’on souhaite un peu plus dramatique. En l’état, c’est tout simplement le film de l’année.

 

Porté par un Serkis en état de grâce et alternant l’explosion d’une guerre civile à l’apaisement des paysages d’un autre âge, cet uppercut n’a de défaut que des cousins qui bouffent l’écran et dissolvent nos insignifiantes existences.

 

 



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Merci à Sophie Benoit, Alexis Abraham et toute l’équipe de Way To Blue pour la mise en scène de la projection. Un univers post-apocalyptique dans une usine désaffectée peuplée de cadavres de voitures encore fumantes, de barricades ou d’affiches de propagandes… L’ambiance apocalyptique magnifiée par une ambiance sonore signée Fauve ou une acoustique impliquant sans nul autre pareil le spectateur… On imagine aisément le casse-têtes. Qu’ils en soient les premiers remerciés.