Critique : L’Artiste et son modèle

 

Un film de Fernando Trueba. Avec Jean Rochefort, Aida Folch, Claudia Cardinale. Sortie le 13 mars 2013.

 

 

En vieux sculpteur désabusé qui retrouve l’inspiration dans une France occupée grâce à une jeune réfugiée espagnole qui lui sert de modèle, Jean Rochefort pourrait signer comme il l’a annoncé sa dernière apparition au cinéma.

 

Note : 3,5/5

 

Avec ce long-métrage, le réalisateur espagnol Fernando Trueba, à qui l’on doit entre autres Belle Epoque (Oscar du Meilleur Film Etranger en 1994) et la comédie hollywoodienne Two Much, s’inscrit dans la liste des cinéastes qui ont apporté leur réflexion sur l’art et l’artiste : Bruno Nuytten (Camille Claudel), Maurice Pialat (Van Gogh), Jacques Rivette (La Belle Noiseuse)… L’art était déjà présent dans sa filmographie, notamment avec un court-métrage sur le sculpteur Eduardo Chillida et Chico & Rita, film d’animation sur la musique cubaine co-réalisé avec Javier Mariascal. Choisissant de placer l’histoire de Marc Cros, sculpteur imaginaire ami de Cézanne et Matisse pendant la Seconde Guerre Mondiale, il met en scène la confrontation entre la réalité noire du présent de l’époque (le franquisme et le nazisme) et le sculpteur qui, contrairement aux artistes engagés tels Picasso avec Guernica, ne veut pas la laisser entrer dans son art. A la réalité du présent, il préfère celle, immuable, mystérieuse et changeante, de la nature qu’il cherche à reproduire dans sa complexité et sa beauté au travers des paysages et le corps de la femme. Cette réalité s’invite cependant dans l’atelier qui lui sert d’abri contre le monde extérieur sous la forme de Mercé, jeune réfugiée espagnole échappée du camp d’Argelès. C’est avec cette jeune femme qui emporte la guerre d’Espagne avec elle qu’il va retrouver l’étincelle qui lui fera mener à bien sa quête du chef-d’œuvre. Cette rencontre entre deux mondes qui vont s’entraider est l’un des principaux intérêts du film.

 

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L’autre atout est Jean Rochefort. Extrêmement attachant, il fait partie des acteurs français que l’on connaît depuis toujours. Sa fantaisie, sa classe et sa sagesse nous ont toujours émerveillé dans des comédies (le diptyque d’Yves Robert Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis en tête) comme dans des films plus graves. Il en va de même dans L’Artiste et son modèle où il est impérial. Le réalisateur ne voulait personne d’autre que lui dans le rôle de Marc Cros et on le comprend tellement le rôle semble être fait pour lui. Les échanges que son personnage a avec Mercé et un officier allemand amateur d’art qui prépare sur lui une biographie apportent une réflexion passionnante sur l’art, l’artiste et son modèle. Les dialogues de Trueba et Jean-Claude Carrière portés par la voix de Rochefort y contribuent. L’utilisation du noir et blanc comme l’absence de musique apportent une certaine austérité compensée par l’expression sensitive de la nature (bruit du vent, chants des oiseaux…). Dommage que la présence de Claudia Cardinale qui joue la femme de l’artiste soit si peu exploitée. Quelle frustration de voir si peu de scènes entre elle et Jean Rochefort alors que le réalisateur a devant sa caméra deux « monstres sacrés »… Cela dit, le sujet du long-métrage, comme son titre l’indique, est sa relation avec son jeune modèle. Dans ce rôle, l’actrice Aida Folch qui a déjà tourné pour Trueba est fraîche et convaincante. La relation entre ces deux personnages est touchante.

 

Si Jean Rochefort nous tire sa révérence dans ce rôle, il ne pouvait faire un meilleur choix. Bravo l’artiste !