Critique : Les Lyonnais

 
Un film d’Olivier Marchal. Avec Gérard Lanvin, Tcheky Karyo, Daniel Duval. Sortie le 30 novembre 2011.

 
Olivier Marchal délaisse ses potos flics et marche timidement sur les traces de Jean-Pierre Melville.

 

Note : 3/5

 
Les mecs, les vrais, les tatoués, Olivier Marchal connaît bien, c’est son rayon. Mâchoire serrée, flegme insolent et répliques cultes au bout des lèvres, le male alpha selon Marchal n’est pas du genre à faire dans la dentelle ! Après avoir sondé la figure du flic sous toutes ses coutures en déroulant une filmographie en forme de cri de rage sur le blues du poulet, le réalisateur de 36 passe de l’autre coté de la barrière. Pas si étonnant que ça tant ses personnages se sont toujours trouvés à la lisière entre ordre et crime comme si le voyou exerçait une sorte de fascination trouble chez son adversaire. Flic et voyou, même combat ? Presque.  D’un monde à l’autre, les thèmes chers au cœur de Marchal ne changent pas, le cinéaste va même plus loin en dressant un troublant parallèle entre flics et bandits habités d’un indéfectible sens de la loyauté et mus par des valeurs simples comme la famille, les amis. Dès lors on voit bien ce qui a pu plaire à Marchal dans l’histoire vraie d’Edmond Vidal, figure mythique du grand banditisme, prit entre le marteau et l’enclume avec la réapparition de son ami d’enfance. On retrouve là les mêmes canevas tragiques de 36 et MR 73 transposés dans un autre univers mais aux fortes résonnances communes. Le parallèle s’arrête là, Les lyonnais demeurant avant tout une épopée criminelle faisant le grand écart entre passé et présent.

 

© Gaumont Distribution

 

Sur une trame proche de L’Immortel, le film parle d’amitié, de trahison tout en se voulant une exploration du grand banditisme coté Sud. Sauf qu’à contrario du polar poseur de Richard Berry, ces lyonnais là ne font pas de fioritures et se démarquent par une approche frontale sans violons ni ralentis ostentatoires. Comprendre par là que Les Lyonnais ne se la joue pas il EST. Et ce, en grande partie grâce à un Gérard Lanvin d’une dignité absolue, impérial en voyou tiraillé. Face à lui, Tcheky Karyo, ambivalent à souhait, offre un parfait contrepoint en meilleur pote poissard, chacune de leurs confrontations apportant un peu plus de substance à l’ensemble. Mais c’est aussi le film de la maturité pour Marchal qui parvient à harmoniser son style au service d’un plus grand classicisme. Aucunement préjudiciable dans la mesure où sa mise en scène gagne en efficacité, jamais phagocyté par un montage ou des effets de style trop tape à l’œil. Mais aussi réussi soit-il Les Lyonnais n’échappe pas à une certaine redondance au point d’oublier les autres personnages gravitant autour de Vidal. Une gageure quand on connaît le talent du monsieur qui n’a pas son pareil pour créer des caractères très forts capables de vider un chargeur tout en versant une larme. Une écriture au cordeau qu’on retrouve ici, quelque peu bridée par un Marchal trop obnubilé par son personnage principal.  D’autant plus dommage que l’univers déroulé ici est riche et prompte à de multiples sous intrigues, dessinés ici et là mais jamais vraiment creusées. Symptomatique de cet état de fait : la relative sous exploitation de Daniel Duval et Lionel Astier qui auraient pu former avec Lanvin et Karyo un vrai carré tragique. Et oui, la violence selon Marchal a des airs de tragédie grecque, dommage qu’elle ne prenne pas sa pleine mesure ici.
 
 

Sans chichis ni artifices, Les Lyonnais suinte la testostérone de tous ces pores. Une belle épopée criminelle qui aurait toutefois gagné à faire moins de surplace.