Critique : les yeux de sa mère

 

Un film de Thierry Klifa. Avec Catherine Deneuve, Geraldine Pilhas, Nicolas Duvauchelle.  Sortie le 23 mars 2011.

 

Quatre ans après Le héros de la famille, Thierry Klifa  retrouve Catherine Deneuve et Géraldine Pailhas et les confronte aux tourments de la maternité. Allo maman bobo ?

 

Note : 2,5/5

 

A l’instar de ses collègues Marc Esposito (Le cœur des hommes) et Denis Parent (Rien que du bonheur), Thierry Klifa a fait ses armes chez Studio Magazine avant de passer le cap de la réalisation. Pour son troisième film, le cinéaste a décidé de raconter une histoire de femmes dont les vies, cloisonnées par l’amas de non-dits et de remords, vont éclater avec l’apparition d’un homme trop charmant pour être honnête. Un postulat intriguant qui permet à Klifa de renouer avec des thèmes qui lui sont chers comme les difficultés des rapports parents/enfants ou la persistante ténacité des regrets. Si son univers semble ici se décliner au féminin pluriel c’est pour mieux placer l’homme comme épicentre d’une cavalcade des sentiments où se mêlent amours physiques et filiales. En pygmalion trouble et désenchanté, Nicolas Duvauchelle surprend et se débarrasse enfin de ses oripeaux de bad boy tête à claques via un jeu tout en finesse oscillant constamment entre force brute et fragilité à fleur de peau. A ses cotés, Catherine Deneuve demeure d’une dignité constante et absolue tandis que Géraldine Pailhas nous entraine avec passion dans sa danse de femme au cœur mutilé. Sujet de toutes les convoitises, le jeune Jean-Baptiste Lafarge parvient sans mal à se mesurer aux écrasantes têtes d’affiches qui lui font face.

 

Nicolas Duvauchelle dans Les yeux de sa mère de Thierry Klifa

 

Passé une ouverture laborieuse enfilant les clichés comme des perles, Les yeux de sa mère commence à se dévoiler petit à petit et palie ses quelques maladresses par une poignée de scènes  emblématiques (dont un superbe double jeu de cache-cache nocturne) comme autant d’enjeux émotionnellement forts. Seulement voilà : au fur et à mesure de son évolution, le film semble de plus en plus poursuivi par un spectre encore bien vivace. Cette ombre forcément écrasante c’est Pedro Almodovar auquel Klifa fait ostensiblement de l’œil via une succession de références parfois trop appuyées.  De la présence de Marisa Paredes (Talons Aiguilles) en mère de substitution aux baisers sulfureux échangés par deux personnages masculins, le métrage entier suinte l’influence du plus caliente des réalisateurs espagnols. Un peu trop même, au point que le film peine à se trouver une identité propre notamment lors d’une dernière partie désespérément statique. La note d’intention était pourtant intéressante : parler de la maternité refoulée (par choix ou par obligation) en utilisant les codes inhérents au thriller sentimental. Mais à trop creuser un seul et même sillon, le réalisateur finit par manquer sa cible et demeure inlassablement à la surface des choses.

 

Geraldine Pailhas et Marisa Paredes dans Les yeux de sa mère de Thierry Klifa

 

Enfermé dans un jeu de citations permanentes convoquant tour à tour André Téchiné, Christophe Honoré (le jeune éphèbe est breton, mais sent-il la crêpe au citron ?) voire lui-même via une scène de chant renvoyant à ses deux précédentes réalisations, Klifa en oublie ses personnages et surtout les relations se tissant entre eux. D’autant plus dommage au regard des formidables nœuds dramatiques se dessinant. Parmi ceux-ci, celui unissant le couple Marina Fois / Jean-Marc Barr (malheureusement sous exploités) à leur fils adoptif ou encore le triangle formé entre Deneuve, Pailhas et un Duvauchelle aux motivations désespérément troubles. Peu à peu, les yeux de sa mère perd de sa singularité et privilégie la pose facile au détriment de tout cheminement narratif. D’où l’impression d’assister finalement à un film qui se termine là où il aurait dû commencer succombant par là même aux travers du « nouveau cinéma intimiste français ».

 

Pétri de bonnes intentions, les yeux de sa mère intrigue, fascine, avant de retomber comme un soufflet lors d’une dernière partie désespérément plate. Dommage.