Critique : Lincoln

 

Un film de Steven Spielberg avec Daniel Day-Lewis, Tommy Lee Jones, Sally Field. Sortie le 30 janvier 2013.

 

Si l’on devait qualifier Lincoln par un mot, ce serait la retenue. Spielberg, grâce à des procédés simplistes mais néanmoins efficaces, parvient à retranscrire une ambiance sans doute fidèle à l’époque et peut-être davantage une réalité falsifiée avec facilité.

 

Note :  3,5/5

 

La retenue. En d’autres termes, l’utilisation d’un sépia déguisé, un procédé vieux comme le monde – et l’expression est de circonstance – qui consiste à « faner » l’image, semblable à ces photographies du siècle dernier. En d’autres termes, un personnage fort qui, seul contre tous, éclipse les autres. C’est dire, on n’en attendait pas moins de la représentation de cette figure emblématique du Nouveau Monde, qui a écrit l’Histoire des Etats-Unis, l’Histoire de l’Univers en somme et, trêve de chauvinisme, s’est sacrifié à son profit. En d’autres termes, l’isolement judicieux d’une étape cruciale dans l’existence de cet individu d’exception (Dieu merci Spielberg nous épargne un biopic aux prétentions d’exhaustivité et, pire encore, de chronologie) qui, malgré tous ces efforts, ne se départit pas d’une inévitable et tenace impression de survol.  Le décor est planté. Cependant et contrairement aux apparences, il n’y a pas que du négatif. Spielberg démontre avec ce film qui met à l’honneur un génie politique qu’il n’est ni plus ni moins, à la hauteur de son protagoniste, un génie du cinéma. Il faut entendre par cinéma le mécanisme audiovisuel qui procure des émotions. Certes et c’est incontestable, Spielberg est un maître de la technique, de tous ces « trucs » à la Hitchcock qui ont contribué à sacrer le septième art en tant que tel. La photographie est époustouflante. La lumière en clair obscur, les décors somptueux, le saisissement des expressions et la supériorité des paysages, à la fois étouffante durant les scènes de guerre et libératrice au moment du dénouement ; tout respire la maîtrise, l’excellence. L’homme, rôdé, se prête à un exercice bien huilé.

 

 

©DreamWorks II Distribution Co., LLC.  All Rights Reserved.
©DreamWorks II Distribution Co., LLC. All Rights Reserved.

 

Le scénario s’établit progressivement jusqu’à l’abolition de l’esclavage et l’on comprend que, tout entier dévoué à son personnage, Spielberg entend mettre en avant la solitude du président face à son peuple qui le considère comme un héros, inatteignable sur son piédestal (se référer à la première séquence), face son entourage, paradoxalement très important, et face à son destin, qu’il contrôle autant qu’il lui échappe. A travers cette dévotion, le réalisateur rend hommage à son acteur, Daniel Day-Lewis, qui mérite – est-ce seulement nécessaire de le préciser – une triple consécration. A la hauteur du défi, le comédien est habité par ce rôle en or massif, lui loue corps et âme, pour en adopter à s’y méprendre apparence et timbre de voix. Les dialogues, qui constituent la réussite majeure du film, sont tournés vers la légende autant qu’ils concourent à la forger, la comblent d’anecdotes à-propos, d’une personnalité verbale et par conséquent extra – ordinaire. Une fois ces éléments réunis, les 2h30 du long, très long métrage, sont-elles justifiées ? Mis à part l’étirement temporel et les divagations occasionnelles du spectateur, lequel s’échappe partout ailleurs si ce n’est à travers l’écran, on ne distingue pas toujours l’intérêt de certains échanges, qui mènent inexorablement vers un final connu de tous. En résumé, puisque nous ne sommes jamais pleinement satisfaits, c’est à la fois trop long et trop court, trop concis, trop ramassé. On pardonne toutefois à Steven parce qu’avec la Liste de Schindler, on pouvait s’en douter, et pour tout ce que nous avons cité ci-dessus. Lincoln est un film hollywoodien sur l’une des têtes d’affiche du Mont Rushmore. Qu’ajouter ? Oui, il s’agit d’un sujet hautement cinématographique, pourtant pourvu de nombreux bavardages mais taillé, façonné de toute pièce pour les Oscars .
 
 

Daniel Day-Lewis crève l’écran en légende de tout temps hantée par ses démons et portée par ses convictions.