Critique : L’Ordre et la morale


Un film de Mathieu Kassovitz. Avec Mathieu Kassovitz, Iabe Lapacas, Malik Zidi. Sortie le 16 novembre 2011.

 

Quand Mathieu Kassovitz monte au créneau, le pire est à prévoir. Sauf quand le cinéaste grande gueule s’efface derrière son sujet.

 

Note : 3,5/5

 

On le sait : Mathieu Kassovitz a toujours eu un coté militant dans l’âme qu’il n’a cessé de traduire à travers une filmographie prise en sandwich entre banlieusards incompris (La Haine) et assassins vieillissants (Assassins). Du moins jusqu’à ce qu’il plonge corps et âme dans Les Rivières Pourpres avant de se laisser séduire par les sirènes hollywoodiennes. Deux infructueuses expériences US plus tard, le cinéaste enragé revient sur les terres de France et de Navarre avec L’Ordre et la morale. Le jet laging américain l’aurait il assagi ? Que nenni ! Plus fumasse que jamais, il se focalise ici sur la prise d’otages de gendarmes par des indépendantistes en Nouvelle-Calédonie en avril 1988. Un sujet en or pour Kassovitz qui en profite pour tirer à boulets rouges sur le gouvernement français de l’époque, plus porté sur la répression que sur le dialogue. Parallèlement au marathon diplomatique engagé entre Philippe Legorjus, capitaine du GIGN  (Mathieu Kassovitz) et Alphonse Dianou (Iabe Lapacas) se dessinent d’autres enjeux, politiques là où l’humain devrait prédominer. Le discours peut paraître lénifiant comme ça, d’autant que l’affiche montrant un Kasso se lamentant sur un drapeau français n’arrange pas les choses et laisse, au contraire, augurer d’un parangon de maladresse. Sauf que derrière l’apparat de brulot politique pour biens pensants L’Ordre et la morale fait preuve d’une rage qui monte crescendo au fur et à mesure que le personnage principal se retrouve déchiré entre ses devoirs d’homme et de soldat.

 

© UGC

 

Mais plus que la colère d’un « mec qui a des choses à dire ! », c’est surtout la mise en scène, moins tape à l’œil et référentielle qu’escomptée, qui interpelle ici.  Si nous ne sommes pas à l’abri de quelques emprunts grossiers et autres maladresses, Kasso démontre par l’image qu’il a visiblement gagné en maturité et opte pour l’efficacité en gérant parfaitement l’espace sans jamais laisser de coté ses personnages. Surtout celui de Philippe Legorjus, omniprésent au point qu’elle met en exergue cette insupportable propension qu’a Kassovitz de se mettre en scène au point de vampiriser le film tout en entier. Dommage car elle se fait au détriment des autres acteurs (formidable Iabe Lapacas) comme autant de superbes personnages. Encore une fois, cette réticence se voit balayée par un propos d’une rare virulence. D’aucuns diront que le réalisateur de La Haine enfonce des portes ouvertes. Peut être mais n’oublions pas que celles ci ont tendance à se refermer un peu trop vite et qu’une grosse piqure de rappel ne fait jamais de mal. Au contraire, elle est nécessaire. A l’heure où L’Ordre et la morale se voit interdit de séjour en Nouvelle Calédonie, sa sortie française et l’inévitable parfum de scandale qu’il traine sonne comme l’ultime barouf d’honneur vis à vis d’hommes qui ont sacrifiés leurs vies au nom de l’indépendance. Il est des dérives à ne jamais mettre sous silence, celle décrite par Kasso en fait définitivement partie.

 

Parfois maladroit et un brin moralisateur, L’Ordre et la morale ne se laisse toutefois jamais piéger par ses bonnes intentions. Tant mieux !