Un film de J.C. Chandor. Avec Kevin Spacey, Jermy Irons, Zachary Quinto. Sortie depuis le 2 mai 2012.
La fine fleur du cinéma US, vous explique la crise en long, en large et en travers . Une piqure de rappel aussi réussie que nécessaire.
Note : 3,5/5
La crise vue de l’intérieur… voilà en quelques mots le principe de Margin Call qui nous plonge en immersion dans un grand cabinet de traders, vingt quatre petites heures avant le crash boursier. Malgré ce que son affiche et son casting all stars laissent supposer, le film de J.C Chandor n’est pas le Glengarry Glenn Ross de la finance. Encore moins le nouveau Wall Street, remède efficace en cette période forcément anti capitaliste. Contrairement au film d’Oliver Stone, Margin Call ne joue pas la carte de la condamnation par une mise en images tape à l’œil dissimulant un propos moralisateur, mais préfère s’appuyer sur une écriture au cordeau. Le tour de force du métrage n’étant non pas d’opter pour le volet thriller financier type « 24 chez les traders » mais d’arriver à rendre lisible des enjeux qui d’ordinaire nous passeraient totalement au dessus. Au lieu de se planquer derrière des termes aussi abscons, Margin Call parvient à être fascinant en se focalisant constamment sur l’humain. Une intonation, un rictus, voire même un silence parviennent sans mal à nous impliquer à l’heure où d’aucuns auront tot fait de nous endormir à grands renforts de termes techniques. Dès lors, le film se mue en grand drame humain par sa propension à nous ramener à un état des lieux aussi glaçant que terrifiant : à l’ombre des buildings de Wall Street, l’homme est condamné à n’être qu’un pion sacrifié sur le grand échiquier financier !

Le film perdrait de sa superbe s’il n’avait pour lui ce superbe casting invoquant vieux briscards (Jeremy Irons, Kevin Spacey) et jeunes loups (Zachary Quinto, Penn Badgley). Jamais idéalisé ou diabolisé, chaque personnage appréhende le futur tsunami économique à sa manière pris entre instinct de préservation et éthique refoulée. A l’image d’un certain Company Men, Margin Call est un film d’hommes à la différence près qu’il se fait ici plus vorace troquant la candeur salutaire du premier pour un traitement plus clinique. Saluons à ce propos les prestations tout en finesse de Kevin Spacey et Stanley Tucci dont la dignité n’a d’égale que l’immense classe naturelle. Etonnamment peu rébarbatif au regard de son sujet pourtant difficile d’accès, Margin Call est certes très verbeux mais ne se rapproche jamais du théâtre filmé grâce à une ambiance de future apocalypse capitaliste parfaitement retranscrit par une photo glacée et une volonté farouche de ne jamais céder au sensationnalisme. Si on peut déplorer un final pas très fin en forme de plaidoyer pour la spéculation éthique (belle contradiction) ce premier film mérite amplement qu’on s’y attarde.
Glaçant et dense, Margin Call décortique les signes avant coureurs de la crise sans jamais tomber dans le didactisme vain. Humain et fort !