Un film de Nicolas Winding Refn. Avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm. Sortie depuis le 22 mai 2013.
Le duo de Drive revisite le mythe d’Œdipe couleur rouge écarlate. You wanna fight ?
Note : 3,5/5
« Le cinéma est un acte de violence » confie Nicolas Winding Refn dans l’excellent documentaire qui lui est consacré: NWR. C’est peu dire donc à quel point Only God Forgives (OGF pour les intimes) sent l’amour pour le 7eme art. Vrai/faux récit de violence, le nouvel uppercut de NWR raconte la descente aux enfers d’un jeune homme obligé par sa mère castratrice de retrouver l’assassin de son frère. Un pitch aux airs de tragédie grecque – l’exotisme en plus – qu’on sentait déjà habité par une violence sourde et frontale telle qu’affectionnée par NWR. Sur ce plan, force est de constater que le film remplit bien au delà des attentes son cahier des charges avec une brutalité dont les exactions risquent de laisser des traces. Avec sa narration éclatée, ses séquences hallucinatoires et autres silences lourds de sens, OGF risque bien de désarçonner les spectateurs ayant découvert le réalisateur avec son incandescent Drive. Il faut dire que dans son approche, le film renvoie davantage au mysticisme de Valhalla Rising qu’à celui de son dernier chef d’œuvre. Ainsi, pour appréhender au mieux OGF, il faut prendre la filmographie de son auteur dans sa globalité et ne pas oublier que chez le monsieur, le fond passe d’abord par une forme extrêmement travaillée. Ici, les couleurs sont poussées jusqu’à saturation, laissant se dessiner en leur sein des ombres qui finissent par se fondre de manière inéluctable. La singularité le dispute constamment au sensationnalisme tandis que ruptures de tons et de temporalité s’enchainent à une vitesse métronomique.

OGF pourrait être vu comme une réappropriation expérimentale du cinéma de genre où il n’est pas tant question de vengeance que d’affranchissement. Alors certes, la symbolique pourra paraître lourde voire pesante, mais elle se voit diluée au cœur d’une ambiance poisseuse où la beauté des paysages fait echo au bouillonnement intérieur du personnage principal interprété par un Ryan Gosling tout en retenue et à des années lumières de son personnage de conducteur taiseux. A contre courant, le papa de la trilogie Pusher met un point d’honneur à nous sortir hors de notre zone de confort pour mieux exorciser des démons que seule la caméra peut capter. La démarche peut paraitre vaine mais elle est faite avec un tel talent qu’elle ne peut laisser indifférent. De fait, ce qui est intéressant chez NWR ce n’est pas tant son coté sulfureux ou sa manière de traduire la violence de manière parfois exacerbée mais plutôt sa façon de se réapproprier des pans entiers de notre culture cinématographique et de les pirater tel un flibustier auteurisant à l’univers éminemment personnel. En l’occurrence, OGF semble prêter autant allégeance à Seijun Suzuki (pour le travail sur les palettes chromatiques) qu’à Alejandro Jodorowski à qui Refn rend hommage dans le générique de fin. Exigeant, le métrage demande plus que jamais de se plonger corps et âme dans l’univers du réalisateur quitte à s’y perdre totalement. Ceux qui auront été happé par Valhalla Rising (dontOGF a les mêmes qualités et défauts) devraient jubiler, les autres risquent d’avoir plus de mal et rejeter l’hermétisme apparent de la chose.