Critique : Pacific Rim

 

Un film de Guillermo Del Toro. Avec Charlie Hunnam, Rinko Kikuchi, Idris Elba. Sortie le 17 juillet 2013.

 

 

Quand le papa d’Hellboy joue aux robots, le résultat est forcément grisant.

 

Note : 4/5

 

Qui, gamin, ne s’est jamais amusé à inventer des combats homériques avec ses jouets tout en rêvant de leur donner vie ? Certainement pas Guillermo Del Toro qui, avec Pacific Rim, couche sur pellicule un véritable rêve de gosse. Jamais à court d’idées, le conteur le plus doué de sa génération imagine la guerre que se livrent les humains et une flopée de méchantes bêbêtes répondant au  doux nom de Kaiju. Basique mais néanmoins efficace, le film de Del Toro ne prétend à aucun moment révolutionner le genre mais lui donner une ampleur à la hauteur de son pitch. Sans autres artifices que son bestiaire organique et mécanique, Pacific Rim nous en donne exactement pour notre argent en donnant littéralement chair à tous ses dessins animés et autres échappées fantasmagoriques qui ont bercé notre enfance. Pacific Rim ce n’est rien d’autre qu’un hommage sincère et vibrant au genre mecha et à tout ce qu’il peut évoquer. Sauf qu’a contrario de ce que d’autres on pu faire auparavant (on pense notamment à l’hommage appuyé de James Cameron dans Aliens), Del Toro a l’intelligence de l’ancrer aussi bien dans une culture orientale (pour la figure des Jaegers et Kaijus) qu’occidentale (pour ses personnages parfois à la limite du caricatural). Comprendre par là que le monsieur a trouvé là le chainon manquant entre Patlabor et… Top Gun ! Et le pire dans tout ça c’est que ça marche ! Pourquoi vous demanderez vous ? Tout simplement parce que le cinéaste bien que fort respectueux du genre et surtout de son public a su apposer quelques petites touches personnelles qui font toute la différence. A la différence d’un Michael Bay, Del Toro ne se laisse jamais phagocyter par une surenchère trahissant une mégalomanie galopante. Le réalisateur de Transformers 3 a beau avoir opéré un bon retour en grâce avec son rigolo No Pain no Gain (dont nous vous reparlerons très bientôt), comparer son film de robots à celui du papa d’Hellboy relève de la gageure tant les deux se situent aux antipodes l’un de l’autre. Aussi mieux vaut s’attarder sur celui qui nous intéresse aujourd’hui en faisant fi de l’autre et de son intérêt toujours aussi relatif.

 

© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures

 

Généreux… voilà un terme que vous risquez d’entendre très souvent concernant Pacific Rim. Ne pas s’attendre toutefois à une débauche de combats tous plus illisibles les uns que les autres, le film capitalisant davantage sur la qualité que sur une quantité propre à étouffer le spectateur jusqu’à la lie. Tout bonnement dantesques, les face à face Jaegers/Kaijus se révèlent à la hauteur du gigantisme de leurs protagonistes. Del Toro a parfaitement digéré ses influences et invoque notre âme de gosse en nous en mettant plein les yeux. Et c’est surtout dans ce rapport à la fois empli d’amour et de respect au public que se situe la générosité de Pacific Rim. L’ami Guillermo n’en fait jamais trop et pense constamment à nouer un lien avec le spectateur sans que cela se fasse au détriment de l’action ou de son histoire. Et pour cela, il a bien compris que son récit se devait de s’appuyer aussi sur des personnages tangibles.  A commencer par de savoureux seconds rôles qu’il s’agisse de l’impérial Idris Elba ou du toujours génial Ron Perlman. Mention spéciale à Charlie Day, très bon en scientifique groupie un peu zinzin sur les bords. Avec Burn Gorman (récemment vu en homme de main peu affable dans The Dark Knight Rises), il forme un formidable duo comique jamais lourd et toujours attachant.  Coté héros, Charlie Hunnam – au jeu pas totalement affranchi du giron Sons of Anarchy– parvient à toucher en pilote meurtri par la disparition de son frère. Par le prisme de ses protagonistes, le cinéaste dresse une belle réflexion sur les liens du sang et la notion de transmission. Parce que ses robots aussi ont un cœur, Del Toro veut parler de la famille, de notre rapport au passé mais aussi et surtout de la symbiose quasi spontanée qui peut se créer entre deux êtres.

 

© Warner Bros Pictures
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Un propos d’autant plus fort qu’il ne l’appuie jamais plus que de raison, préférant le distiller au sein d’un récit qui parvient parfaitement à respirer entre moments de bravoure dantesque et plages plus intimistes.  C’est dans ce savant mélange entre l’organique et le mécanique que Pacific Rim séduit. Aussi ambitieux soit il, le film n’en reste pas moins conscient de ses propres limites et ne fais jamais dans l’enrobage en jouant inutilement les prolongations. Car oui,  au milieu de cet océan de superlatifs surnagent de réels défauts à commencer par une patte Del Toro plus camouflée qu’à l’accoutumée. A cela s’ajoutent le jeu approximatif de la pourtant très mimi Rinko Kikuchi et une propension à ne pas suffisamment creuser certains aspects dramaturgiques. Certainement par peur d’en faire trop, le réalisateur rechigne à explorer un peu plus les fêlures intérieures de ses personnages et le rapport qu’ils peuvent entretenir avec les Jaegers comme prolongation d’eux mêmes. Des thèmes certes explorés par le genre mecha mais qu’on aurait aimé voir ici davantage transposés. Pacific Rim n’en demeure pas moins l’œuvre d’un doux rêveur qui à l’exécution basique préfèrera toujours l’évasion. Son film n’est pas le blockbuster parfait (il provoquera forcément la déception ou la frustration au vu des attentes suscitées) mais le divertissement idéal pour quiconque veut retrouver une âme d’enfant. Attention toutefois à ne pas le ranger comme seul porte étendard d’une certaine cause geek ou divertissement dont on ne loueraient les qualités qu’en réaction contre Transformers.

 

Pacific Rim remplit toutes ses promesses (ni plus ni moins) et s’impose comme l’un des blockbusters les plus honnêtes et généreux de l’été, voire de l’année.

 

 



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