Critique : Pirates des Caraibes 4 – La Fontaine de Jouvence

 

Un film de Rob Marshall. Avec Johnny Depp, Penelope Cruz, Geoffrey Rush. Sortie le 18 mai 2011.

 

Johnny Depp largue les amarres avec la belle Penelope Cruz. Hissez le pavillon !

 

Note : 2/5

 

C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme… Et qu’en est il des licences qui prennent l’eau ? Cette question, laissée en jachère dans Pirates des Caraïbes 3, trouve une réponse toute trouvée dans ce quatrième opus marquant clairement les limites d’une saga depuis longtemps à la dérive. Quatre ans après un soporifique troisième épisode, ce marin d’eau douce de Jack Sparrow revient jouer les flibustiers cabotins et laisse le couple Keira Knightley/Orlando Bloom sur les rivages de l’oubli. Débarrassé de ses énervants sidekicks, il se lance à la recherche de la Fontaine de Jouvence et entraine dans son sillage pirates machiavéliques et autres seconds couteaux de bon aloi. On prend (presque) les mêmes et on recommence. Une bonne nouvelle ? Oui et non. Car s’il marque une certaine rupture avec ses prédécesseurs, Pirates Des Caraïbes 4 (ou PDC 4 pour les bachi-bouzouks initiés !) n’en est pas moins affublé des mêmes tares. Soit un canevas trop systématique pour être honnête : trois morceaux de bravoures (grand max), quelques envolées musicales, et entre les deux un Johnny Depp en roue libre redoublant de grimacerie pour combler les trous.

 

© Walt disney Pictures

 

Mais pourquoi alors cette grosse mécanique continue de marcher (partiellement) malgré son inlassable prévisibilité ? La réponse tient en deux mots… Johnny Depp. Digne héritier du slapstick, l’acteur se livre à un véritable show où bons mots et postures déglingos parviennent à faire partiellement oublier l’indigence d’un scénario qui n’est ni fait ni à faire. C’est con mais c’est comme ça… PDC 4 n’est pas tant un film de pirates qu’un one man show en costumes servi par un kamikaze de l’acting. Outrancier mais jamais vulgaire… ou comment être débonnaire tout en ayant la classe. L’autre bonne surprise réside dans la présence de la très caliente Penelope Cruz. Non pas que son personnage de maitresse rancunière soit si intéressant ou même que ses danses amoureuses avec Depp marquent les esprits – au contraire on aurait même tendance à dire qu’elles manquent sérieusement de piquant- mais il faut bien reconnaître qu’elle dégage une incroyable sensualité que Rob Marshall ne manque pas de surligner au détour de plans savamment étudiés. Belle à damner un saint, elle apporte une touche d’érotisme latent et franchement bienvenu malgré un jeu oscillant un peu trop entre la femme fatale et la mégère au sang chaud. Mais doit on vraiment bouder notre plaisir quand la signora enchaine les regards de braise ? C’est un peu ça PDC 4 : un certain savoir faire dans l’art et la manière de jeter de la poudre aux yeux des spectateurs pour qu’il n’ait pas à trop regarder sa montre !

 

© Walt Disney Pictures

 

Ca c’était pour les « bons » points. Au rang des mauvaises nouvelles, arguons que le principal défaut de ce PDC 4 réside dans son scénario à linéarité effrayante et aux enjeux quasi inexistants. Si cet opus laisse de coté les poussives side story inhérentes aux précédents films, il excelle toutefois dans l’art de brasser du vent en déroulant sur deux longues heures vingt une intrigue qui aurait largement gagnée à être condensée. A vouloir trop jouer la carte du cabotinage et de la blagounette facile, le film traine la patte et oublie d’exploiter à fond des éléments promptes à enrichir un univers un poil trop polissé. Première victime de cette aseptisation : le sempiternel bad guy pourtant interprété par l’impérial Ian McShane (Deadwood). Terreur des sept mers et seul véritable ennemie capable de faire dresser les dreadlocks de cher Jack, Barbe Noire est ici réduit au stade de barbu grimaçant vaguement intimidant. Jamais ses relations avec sa Penelope Cruz de fille ne sont exploitées ni même ses étranges pouvoirs qui lui permettent de transformer son équipage en zombies ou de prendre littéralement le contrôle de n’importe quel bateau. C’est peut être l’une des grosses erreurs de ce nouveau chapitre qui laisse de coté tout élément magique pour une aventure plus terre à terre et lorgnant méchamment du coté d’Indiana Jones et la dernière Croisade. A ce stade là est il vraiment utile d’évoquer l’insipide romance liant un jeune premier à une belle sirène ? Mouais, mieux vaut faire l’impasse ! Tout juste dira t- on que ses belles demoiselles aux queues de poissons ne sont pas particulièrement bien loties tour à tour vampires maritimes (merci de ne pas rigoler dans le fond) ou potiche répondant au doux et original nom de Syrena (bon ça va j’ai dit qu’on arrêtait de rire !!). On a frôlé le clin d’œil corporate avec sirène aux cheveux rouges portant le nom d’une marque de lessive ! On retiendra au final un divertissement gentiment ennuyeux par moments et qui, nanti d’un scénario plus abouti, aurait pu faire table rase du passé de manière efficace. Un coup de sabre dans l’eau certes mais à quelques lieues toutefois du naufrage annoncé.

 

La proue entre deux navires, le film de Rob Marshall se regarde avec un ennui poli mais parvient à faire illusion grâce à son envahissant héros. Gageons que le cinquième opus  fera mieux si il veut redonner un peu de panache à une saga de plus en plus anodine.