Critique : Polisse

 

Un film de Maiwenn. Avec Maiwenn, Joey Starr, Marina Fois. Sortie le 19 octobre 2011.
 
Maiwenn embarque dans le panier à salade avec de drôles de flics. Faux polar mais vrai coup de poing !
 
 

Note : 4/5

 

En 1992, L627 de Bertrand Tavernier « redorait » le blason de nos amis les flics et détonnait par son approche réaliste d’un milieu ouvert aux clichés en tous genres. Un sillon que le cinéma creusera à nouveau via le très réussi Le Cousin d’Alain Corneau puis repris sur petit écran avec Police District, série policière crédibilisée par la présence au générique d’Olivier Marchal. De manière presque logique, c’est ce dernier qui reprendra le flambeau tout en donnant à la figure du flic une aura plus romanesque. A l’heure où Marchal semble se réorienter vers la saga criminelle avec Les Lyonnais, le condé ne semble plus trouver de porte paroles dans notre paysage cinématographique, à moins que…A l’heure où les forces de l’ordre sont plus impopulaires que jamais, que pensez de Polisse ? Film de propagande commandé par le Ministère de l’Intérieur ? Ego trip d’une cinéaste qui veut jouer dans la cour des grands ? Aucun des deux. Car si Maiwenn opte pour le réalisme cru et sans bavure ce n’est pas pour se rapprocher d’un Depardon ou se poser comme protagoniste omniscient  par l’entremise de l’objectif témoin. Non, bien au contraire. Ici, la cinéaste met en scène au lieu de se mettre en scène, préférant creuser ses personnages, acteurs ordinaires d’un quotidien souvent sordide. Ces gens là, ce sont les agents de la BPM, division de la police chargée de la protection des mineurs. Pour peu Polisse aurait des airs de documentaire, sauf que derrière chaque membre de la BPM se cache un acteur apportant un bagage substantifique à son personnage par l’entremise d’un regard, une réplique, un tic.Dès lors, on ne peut s’empêcher de penser au double rapport intime/professionnel que le film met en exergue comme si chaque personnage avait été écrit sur mesure pour un acteur bien spécifique.

 

© Mars Distribution

 

Pour autant, cette mise en abyme implicite ne phagocyte jamais le film, car si celui-ci est criant de vérité c’est avant tout parce que les comédiens ont su s’effacer derrière leurs personnages avec un incroyable art du camouflage. Parmi eux, saluons la prestation de Joey Starr, impeccable de retenue en flic sanguin au grand cœur. Le reste du cast ne détonne pas d’une Marina Fois puant le mépris de soi à Karin Viard en mode implosion en passant par Nicolas Duvauchelle et Karole Rocher très bons. Chacun joue parfaitement sa partition et insuffle une parcelle d’humanité salutaire. Sans misérabilisme ni parti pris, la cinéaste dépeint un quotidien souvent étouffant entre parents abusifs et gamins totalement déglingués.  Une réalité glaçante aux exutoires inattendus cristallisés par les réactions de chacun, entre pleurs, colères ou rires. Non, décidément Polisse n’est pas une « oeuvre d’utilité publique » mais un film sur tous ces sentiments contradictoires et complémentaires qui constituent l’être humain et comment ils s’entremêlent face à ce que l’humanité peut parfois offrir de pire. Un film de l’effacement où le sujet prime sur l’objet. Une retenue qu’on aurait aimé ne pas voir s’effondrer au cours d’un final maladroit au même titre que la romance Starr/Maiwenn un peu superficielle au regard des autres side stories. Une broutille tant les deux heures qui ont précédées nous auront suffisamment estomaquées pour ne pas bouder notre plaisir ! On aurait pu croire au film de stars vainement buzzé, peine perdue à la place on aura une belle claque. Comme quoi !
 
 

Pour son 3ème long Maiwenn surprend et offre un film fragile et sensible bien loin du reportage d’Envoyé Spécial auquel ses détracteurs le compareront forcément.