Critique : Possessions

 

Un film de Eric Guirado avec Jérémie Rénier, Julie Depardieu, Lucien Jean-Baptiste. Sortie le 7 mars 2012.

 

Avant d’être Cloclo, Jérémie Rénier sera d’abord un mécano jaloux de son prochain et qui commettra l’irréparable dans ce drame, inspiré d’une histoire vraie.

 NOTE 3/5

 

Le cinéma français s’aventure rarement dans les faits divers récents et c’est un pari osé que le réalisateur Eric Guirado, s’est lancé en s’inspirant de l’affaire Flactif qui avait défrayé la chronique en 2003 et qui suscite toujours une grande émotion en Haute-Savoie. Plus qu’une reconstitution ou une enquête, Possessions est avant tout une parabole sur l’inégalité des chances et un drame social glaçant. L’action du film avance lentement mais c’est pour mieux installer les personnages et découvrir leur psychologie. C’est l’éternel combat des petites gens contre les riches, ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien. En ces temps de campagne électorale, le sujet est d’autant plus d’actualité à l’heure où les partisans des uns s’opposent aux sympathisants des autres. Si on peut comprendre l’envie éprouvée par le couple Caron, on ne peut pas reprocher aux Castang d’avoir réussi et de jouir de leur argent, sans aucune arrogance.

 

© UGC Distribution

 

On se dit aussi que les Caron sont également les victimes de cette histoire. Victimes d’abord du laxisme ou de la malhonnêteté du propriétaire qui n’a pas pu faire terminer le chalet des Caron avant leur arrivée. Victimes également du surendettement, eux qui déménagent à la montagne pour une vie meilleure. Possessions ce n’est pas les gentils contre les méchants, chacun a sa part de responsabilité dans le drame qui se déroule sous nos yeux. La pauvreté et la jalousie peuvent expliquer le geste désespéré mais il ne l’excuse pas. Eric Guirado ne cherche en rien à dresser le portrait de malheureux innocents d’un côté et de dangereux criminels de l’autre. La mise en scène est sobre, parfois un peu manichéenne et facile, mais le film est surtout tiré par le haut grâce à son duo de comédiens Rénier/Depardieu. Jérémie Rénier prouve qu’il est un acteur multifacette en se mettant dans la peau d’un mécano du Nord, un peu “beauf”, fan de techno et de tunning. Un rôle de composition à mille lieues de Claude François qu’il incarnera la semaine prochaine. Il n’a pas hésité à prendre 18 kilos pour interpréter Bruno Caron, et parler avec un accent du Nord justement dosé, ni trop prononcé ni caricatural. Comme pour Claude François, la ressemblance avec David Hotyat, le meurtrier des Flactif, est frappante.

 

Ni adaptation d’un fait divers tragique ni thriller anecdotique, Possessions est une fiction dans l’esprit de certaines œuvres de Chabrol, avec ses regards qui en disent plus que d’interminables discours.