Critique : Poulet aux prunes

 

Un film de Marjane Satrapi et Vincent Paronaud. Avec Mathieu Amalric, Maria de Medeiros, Edouard Baer.Sortie le 26 octobre 2011
 
Mathieu Amalric broie du noir sous la direction des réalisateurs de Persepolis. Une jolie histoire aux confluents du 9ème et du 7ème art.
 

Note : 3,5/5

 

Poulet aux prunes c’est une drôle de recette : un duo de réalisateurs passé par la case animation, des acteurs truculents et surtout une ambiance poétique à souhait où le bon mot le dispute toujours à la métaphore pure. Ce doux mariage entre le plaisir des lettres (ou plutôt de la narration) et la beauté des images est pour beaucoup dans le charme de cette fable onirico-romantique. Après Persepolis, Marjane Satrapi et Vincent Paronaud continuent de creuser le sillon déjà bien entamé dans leur premier film, à savoir un regard très oriental sur la vie constituée de tous ces micros événements qui en font le sel. Chacun d’entre eux répond à un autre de manière directe ou indirecte et vient s’inscrire dans cette indéfectible ronde qu’est l’existence. A l’aspect terne du quotidien répond une sur esthétisation prétexte à des moments de pure poésie. Une heure durant, Poulet aux prunes semble en apesanteur, n’évoluant qu’au gré des turpitudes de son anti héros, Nasser Ali, violoniste déchue bien décidé à en finir avec l’existence depuis que son instrument de prédilection a été détruit. Durant cette quête effrénée vers la Mort, le spectateur ne sait plus trop où aller , balancé qu’il est entre passé, futur et présent. Une douce vacuité qui finit par lasser, le film donnant l’impression de naviguer à vue sans aucune véritable finalité. L’univers de Satrapi et Paronnaud a beau être bourré de charme et d’idées, on s’ennuie poliment. Et pourtant c’est quand Poulet aux prunes semble avoir trouvé ses limites qu’il vient nous cueillir de la plus belle des façons.

 

© Le pacte

 

Difficile d’aller plus loin sans déflorer le cœur (dans tous les sens du terme) du métrage, sachez seulement que si la patience est une vertu, elle se voit ici récompensée par une dernière partie justifiant largement cette attente ponctuée par les petites joies et les grandes peines constituant la vie de Nasser Ali. Dès lors, le film trouve un véritable souffle romanesque, sa mélodie et passe ainsi du stade de chronique douce amère à celui de grand drame romantique.  Mathieu Amalric est étonnant en sublime looser écorché vif par une vie faite de concessions. Face à lui, Maria De Medeiros touche en femme délaissée. Standing ovation pour la superbe Golshifteh Farahani qui parvient à nous envouter d’un simple sourire, tandis que la multitude de personnages gravitant autour de ce couple maudit ramène inlassablement aux galeries de portraits chères au cœur de Satrapi. Car si la tendance est à la grisaille et au spleen profond, l’amour que la réalisatrice porte à ses personnages est éminemment contagieux. A la fois comédie, drame, conte moral… Poulet aux prunes est un condensé de genres comme parties intégrantes d’un grand melting pot à l’occasion duquel le duo Satrapi/Paronaud réussit à réconcilier deux arts en les rendant complémentaires. Plus que des cases, les plans sont de véritables tableaux qui prennent vie et s’extirpent bien vite des contraintes spatiales et narratives de la bande dessinée.  Bien qu’un peu redondant, Poulet aux prunes n’en demeure pas moins un joli film sur les actes manqués.
 
 

Après Persepolis, Marjane Satrapi et Vincent Paronaud continuent de dérouler sur grand écran un univers pas comme les autres.  Ou comment transformer en objet purement littéraire en vrai film de cinéma.