Critique : Prometheus

 
Un film de Ridley Scott. Avec Noomi Rapace, Charlize Theron, Michael Fassbender. Sortie le 30 mai 2012.

 

Ridley Scott revisite l’une de ses œuvres phares au cours d’un voyage turbulent et pas comme les autres. Dans l’espace personne ne vous entendra kiffer… ou pas !

 

Note : 3,5/5

 

 

Touche à tout parfois génial (Gladiator), parfois gâteux (Une grande année), Ridley Scott revient enfin à la SF trente ans après son dantesque Blade Runner. Et quel retour ! Plus que jamais prompte à revisiter sa filmographie pour mieux la distiller à l’ère du 2.0.  – sans jamais se renier que ce soit sur la forme ou le fond -, il s’attaque aujourd’hui  à Alien. Avec Prometheus, le cinéaste prend ainsi le pari de réconcilier jeunes et vieux cinéphiles en prenant comme point d’ancrage son séminal film de trouille spatiale. Pas une mince affaire ! L’ami Ridley ayant signé deux des plus grands films de SF de l’Histoire, tout concourrait à faire de Prometheus l’un des fleurons du genre.  Sur ce plan rien à redire puisque le papa de Thelma & Louise nous signe un superbe et ambitieux space opera. Une heure et demi durant, Prometheus semble tout droit sorti d’une capsule temporelle où il aurait été enfermée après avoir été pensé en marge d’Alien. Scott y creuse ses thématiques les plus tenaces et les dissout au sein d’un trip spatiale horrifico mystique. Et si l’ensemble manque parfois de lyrisme, il est cependant traversé de superbes séquences où la beauté et les ténèbres s’attellent à un sublime jeu de cache cache interstellaire. N’allez cependant pas croire que Prometheus fasse seulement dans l’atmosphérique, bien au contraire, c’est même le trouillomètre qui l’emporte sur l’émotion. Car si dans l’espace personne ne peut vous entendre crier c’est bien pour une raison que Scott prend un malin plaisir à nous rappeler. Il y a trente  trois ans, il était parvenu a allier peur et science fiction dans un maelstrom spectral et définitif. Aujourd’hui, il retente ce savoureux mélange en y ajoutant une bonne dose de mysticisme. Dans sa première partie, Prometheus distille une ambiance anxiogène au sein d’un univers fascinant où les origines de l’Homme sont revisitées de manière originale… et puis petit à petit une terreur sourde s’instille au point d’emmener le film aux confluents entre 2001 (le spectaculaire en plus) et Event Horizon (les exactions gothico spatiales en moins). Un mix à priori antinomique mais qui fait étrangement sens ici. L’occasion pour le cinéaste de nous démontrer qu’il sait encore faire peur à travers deux séquences hautement symboliques.

 

prometheus de Ridley Scott
© 20th Century Fox

 

C’est rien de dire que durant plus d’une heure et demi Prometheus intrigue, fascine par la beauté de ses images, sa bande son enivrante sublimée par l’épique partition de Marc Streitenfeld (Robin des Bois), et son atmosphère doucement délétère.  L’invitation au voyage est immédiatement acceptée et l’on s’apprête à embarquer corps et âme dans une odyssée pas comme les autres. Mais alors que le film semble prendre son envol (alors que, paradoxalement le vaisseau se pose) quelque chose d’étrange se passe. A trop vouloir s’intégrer dans la mythologie Alien, le film de Scott perd de sa singularité. Et si les ponts entre les deux films sont nombreux, il est évident qu’aucun des deux n’a besoin de l’autre pour exister. En l’état,  l’univers de Prometheus paraît suffisamment riche pour s’affranchir totalement d’Alien. Malheureusement, c’est ce besoin de comparaison constant qui l’handicape grandement dans son dernier quart . Grouillant de références à ce dernier, Prometheus , tente constamment durant sa dernière partie de justifier ses autocitations quitte à faire du surplace et présenter des invraisemblances avec l’œuvre matricielle. On regrettera aussi que les protagonistes se voient survolés et peinent ainsi à créer une réelle empathie en dépit d’acteurs totalemnt investis et convaincants. Seul l’androide David, campé par un Michael Fassbender en apesanteur, tire habilement son épingle du jeu. Miroir à peine déformant d’Ash (Alien),  Roy Batty (Blade Runner) et Bishop (Aliens), il cristallise toutes les obsessions du métrage telle une somme condensée en un seul et même personnage. Face à lui, le couple formé par Noomi Rapace et Logan- Marshall Green insuffle un peu d’humanité à l’ensemble tandis que l’impeccable Idris Elba et la froide Charlize Theron en représentent le versant autoritaire. Si le nouveau cru de Scott n’est pas l’œuvre définitive tant attendue, il mérite toutefois de s’y replonger plusieurs fois afin de peut être l’apprécier davantage enfin délesté de toute frustration potentielle. Placé hors du giron de son illustre ainé, Prometheus reste un très bon film de SF horrifique privilégiant l’ambiance à l’efficacité superflue.  

 

 

Loin d’être l’accident industriel redouté par une poignée, Prometheus reste un fascinant voyage mais dont la filiation avec Alien demeure vaine.