Critique : Sinister

 

Un film de Scott Derrickson. Avec Ethan Hawke, Juliet Rylance et Fred Dalton Thompson. Sortie le 7 novembre 2012.

 
 
Ethan Hawke nous refait Shining dans une vraie/fausse copie pas inintéressante. Planquez vos gosses !

 

Note : 3/5

 

Par le producteur de Paranormal Activity… l’argument n’est jamais fait pour rassurer mais depuis la surprise Insidious on a appris à mettre de coté nos a priori de cinéphages réfractaires aux ghost story ronflantes. D’autant que le dit producteur, Jason Blum, a aussi permis à Rob Zombie de concrétiser son très attendu Lords of Salem. Mais revenons à ce Sinister qui marque le retour de Scott Derrickson après les léthargiques L’Exorcisme d’Emily Rose et Le jour où la Terre s’arrêta version Keanu Reeves. Des ratages plutôt significatifs mais qui avaient au moins le mérite de témoigner d’un certain savoir faire  technique. Avec Sinister, Derrickson s’attaque au thème archi rabattu de la maison hantée laissant ainsi de coté toute philosophie et spiritualité de comptoir pour mieux dériver, lentement mais surement, vers le trip horrifico-esotérique. Avec son intrigue à base d’écrivain emménageant avec sa famille dans une demeure ayant été le théâtre d’un horrible massacre, Sinister a de furieux airs de Shining mâtiné d’un soupçon d’Amityville. Des références parfaitement assumées mais jamais surlignées de manière artificielle. Si rapprochement il y a il est plutôt à faire du coté d’Insiduous auquel le film fait ostensiblement de l’œil en particulier dans son exploration de la cellule familiale sur le fil du rasoir à mesure que les enfants perdent leurs innocence. Un leitmotiv classique certes mais auquel la prestation réussie d’Ethan Hawke en écrivain blasé tour à tour antipathique mais touchant apporte un peu plus de substance. Car oui, Sinister est aussi et avant tout un film sur la famille et la contamination du mal. Des thèmes qui ne sont pas sans rappeler le cinéma de Balaguero, la subtilité en moins !

 

Ethan Hawke dans Sinister de Scott Derrickson
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Reste qu’en dépit de ces troublantes concordances, Sinister n’est en rien un démarquage grossier. Plutôt que de copier outrageusement sur son voisin, Derrickson préfère dérouler une ambiance qui lui est propre quitte à se prendre les pieds dans le tapis. Car la vraie réussite du film réside dans cette volonté de prendre le spectateur aux tripes via une atmosphère ultra glauque. Là où Insidious se permettait de relâcher la pression par l’entremise de seconds rôles comiques, Sinister opte pour un premier degré à toute épreuve peu propice aux fous rires volontaires. Plancher qui grince, portes qui claquent… Derrickson reprend à son compte tous les poncifs pour mieux les diluer dans un ensemble à l’aura diablement anxiogène. Ainsi, un malaise constant traverse le spectateur, renforcé par un sound design particulièrement bien travaillé et une poignée de bonnes idées de mise en scène. A commencer par l’utilisation du support argentique comme réceptacle de l’innommable, chaque meurtre sur lequel enquête notre héros ayant été filmé par l’entremise d’une caméra Super 8. Un  fil rouge pour le moins intéressant qui appuie encore plus le caractère poisseux du métrage et renforce le malaise ambiant.  A cela s’ajoute un boogeyman franchement flippant, dont le look à faire pâlir de jalousie les p’tits gars de Slipknot risque d’être à l’origine de bien des nuits banches. Autant d’éléments qui donnent au film un coté atypique à mi chemin entre la pellicule indé et l’hommage à un certain cinéma des années 70. Il retient de cette dernier une propension à ménager ses effets mais surtout ancrer son récit dans la réalité. Sauf qu’à trop faire dans la demi mesure, le film finit par tomber dans une certaine redondance au point de donner au spectateur une bonne longueur d’avance sur les protagonistes. Trop omnibulé par l’installation de son ambiance (encore une fois très réussie), Derrickson se bride totalement, tuant dans l’œuf quelques éléments fort comme son très réussi boogeyman scandaleusement sous exploité malgré une aura horrifique fort bien marquée. Davantage resserré, Sinister aurait gagné en efficacité et aurait pu se permettre de donner une part plus belle à tout un pan graphique malheureusement sous exploité. D’où une certaine frustration à voir tout ce potentiel étrangement réfréné comme si Derrickson avait peur d’en faire trop et ce jusqu’au final fort sur le papier mais expédié à l’image. Dommage car si le résultat est parfois bancal il a ce petit quelque chose qui le place à part dans le petit monde du cinéma fantastique.

 

Portant fort bien son titre, Sinister se repose un peu trop vite sur ses acquis en dépit de qualités formelles flagrantes. Maladroit mais intéressant.