Critique : Spider-Man Far From Home

 
Un film de Jon Watts. Avec Tom Holland, Jake Gyllenhaal, Zendaya. Sortie le 3 juillet 2019.
 
L’attachante araignée quitte son New-York natal et joue les tour operator dans un opus qui sent le recyclage à plein nez. Attention spoilers !
 

Note : 2/5

 
Avant chaque Marvel c’est le même refrain : on sait ce qu’on va voir, on sait quelles ficelles la firme va utiliser et on sait comment elle va les utiliser. Et pourtant avant que les lumières s’éteignent on se met à espérer : espérer que cette fois le studio remettra ses acquis en question, sortira de sa zone de confort pour offrir au public un spectacle qui détonnera avec ceux qu’il nous a montré jusqu’ici. D’autant plus qu’après la relative bonne surprise Avengers : Endgame on pensait Marvel Studios suffisamment solide pour s’aventurer sur des chemins de traverse et enrayer sa mécanique infernale. A chaque fois, l’espoir est le même et à chaque fois la déception est à la mesure des moyens mis en œuvre pour nous en mettre plein les yeux. Signe qui ne trompe pas : comme à l’accoutumée, la première scène post-générique (la seconde étant d’une bêtise absolue) se révèlera autrement plus prometteuse que ce qui nous a été servi jusque-là. Sans surprises donc, ce Spider-Man : Far From Home, deuxième volet des aventures solo de l’homme araignée après Homecoming, confirme que Marvel n’est pas prêt à lâcher cette sempiternelle formule à base d’humour crétino-méta et de canevas scénaristiques interchangeables le tout noyé dans des morceaux de bravoure vus et revus. Avant d’aller plus loin dans la lecture, nous préférons vous prévenir : la suite de l’article contient de nombreux spoilers. Vous voilà avertis ! Spider-Man : Far From Home fait donc suite aux évènements d’Endgame qui auront notamment vus la mort de Tony Stark. Privé de son mentor mais pourvu d’un super costume, Peter Parker continue de défendre la veuve et l’orphelin sous l’identité de Spider-Man tout en essayant de se rapprocher de MJ. Un voyage organisé en Europe par son lycée pourrait donc être l’occasion pour le jeune homme de laisser son costume au placard un temps tout en essayant de se rapprocher de l’élue de son cœur. Malheureusement, des monstres venus d’une autre dimension et bien décidés à détruire la Terre pourraient bien foutre ses plans en l’air. Aidé de Nick Fury et de Mysterio, un héros venu d’une autre Terre, Spider-Man va donc une fois de plus, tenter de sauver le monde. Première surprise : le côté mélancolico-funeste vendu par la bande-annonce montrant un Peter Parker accablé par l’absence de Tony Stark et vivant son héritage comme un sacerdoce, est totalement tombé à l’as. A la place, Jon Watts nous offre une gentille friandise à mi-chemin entre comic book movie et film d’espionnage pour adolescents. Le mélange n’est pas toujours bien dosé mais ceux qui ont aimé Homecoming retrouveront la même recette à base de blagounettes méta souvent embarrassante et de douce inconséquence dilués dans une mise en scène totalement impersonnelle.  

Sony Pictures

 
A l’image de n’importe quel Marvel « mineur » (Captain Marvel, Thor Ragnarok, Homecoming… pour ne citer qu’eux), Far From Home se suit sans déplaisir mais sans passion non plus. Rien de bien rédhibitoire jusque-là juste une légèreté un peu poussive mais pas désagréable. Embarqué un peu partout en Europe, on joue le jeu avec un certain amusement tout en se demandant si le film va enclencher la vitesse supérieure.  Puis vient la seconde partie et son incontournable – et très prévisible – twist qui voit le VRAI méchant du film dévoiler son diabolique plan. Un retournement de situation que d’aucuns qualifieront de « malin » mais qui à y regarder de plus près laisse un gout assez amer dans la bouche tant le méchant apparait comme l’incarnation parfaite et à peine déguisée d’un studio qui a toujours versé dans l’esbroufe pour bluffer son public. [ATTENTION SPOILERS] Comme si à travers Mysterio (on vous avait prévenus qu’il y aurait du spoiler en masse !), Marvel nous dit in fine qu’il est parfaitement conscient des mécaniques qu’il utilise pour donner aux spectateurs leurs pitances, dussent-elles se fonder sur des artifices toujours plus grossiers. Pire, il pousse le cynisme jusqu’à admettre que le tour de force ne réside pas tant dans ces artifices que dans le fait d’en rendre le spectateur totalement conscient au point qu’il en redemandera encore et encore.  « Les gens ont besoin de héros » arguera Mysterio pour justifier ses odieux actes. Là où par exemple un Christopher Nolan n’hésitait pas à remettre en question cette affirmation façon « L’homme qui tua Liberty Valance », Marvel opte pour l’approche pub pour McDonald’s façon « venez comme vous êtes mais surtout comme on vous a formaté ». Un twist vu et revu (Coucou Captain Marvel et son changement d’antagonistes en plein milieu de métrage !) qui n’a même pas la décence de se dissimuler derrière un propos un tantinet pertinent. Certes, on ne peut s’empêcher de penser à Iron Man 3 et son fameux retournement de situation sur le Mandarin mais ce serait vite oublier que non seulement ce twist servait parfaitement la dramaturgie mais qu’il dissimulait également un propos moins crétin qu’il n’avait l’air, faisant du film de Shane Black un acte de piraterie semi-contrôlé imparfait mais jouissif dans sa démarche punk. Tout ce que n’est pas ce Spider-Man : Far From Home beaucoup trop conscient de lui-même pour être honnête. On se consolera avec un Tom Holland toujours aussi parfait. Particulièrement touchant en garçon en quête de repères pris en étau entre devoir et désir de vivre son adolescence, il forme avec Zendaya un joli couple qui, par son coté un peu marginal, détonne agréablement avec les romances teens qu’on l’habitude de nous servir. On saura également gré à la mise en scène de Jon Watts de s’être quelque peu réveillée lors des séquences donnant la part belle aux illusions de Mysterio (en particulier dans sa seconde partie) même si celles-ci sont très mal intégrées à l’intrigue.[FIN SPOILERS]Pas de quoi sauver malheureusement un film beaucoup moins badin et plus cynique qu’il en a l’air qui, à trop faire dans le recyclage et l’auto-citation finit par se perdre totalement. Dommage.

 

De teen movie aussi inconséquent que gentillet à vaste fumisterie, il n’y a qu’un pas que ce Spider-Man : Far From Home franchit allégrement.