Critique : Spy

 

Un film de Paul Feig. Avec Melissa McCarthy, Jude Law, Jason Statham. Sortie le 17 juin 2015.

 

 

Melissa McCarthy chamboule le film d’espionnage dans une gentille comédie aussi subversive par moments que maladroite par d’autres.

 

Note : 3,5/5

 

Depuis quelques années, Paul Feig s’est spécialisé dans la féminisation de genres très masculins. Ainsi, après le film d’enterrement de vie de garçon à la Very Bad Trip (Mes meilleures amies) et le buddy movie façon 48 Heures (Les Flingueuses), le cinéaste accompagné de sa muse Melissa McCarthy « œstrogènise »  le film d’espionnage. Dans Spy, il suit les déambulations d’une modeste analyste de la CIA (Melissa McCarthy) partie en mission pour venger la mort de son espion préféré (Jude Law) assassiné par la diabolique Raina Boyanov (Rose Byrne). Petit problème : notre héroïne n’a aucune expérience du terrain et n’est pas vraiment du genre discrète. Et si elle était le meilleur atout de cette mission casse-cou ? A l’image de ses précédents films, Paul Feig use et abuse de son anti héroïne pour gentiment se moquer des travers du genre qu’il revisite. Ici, les agents secrets sont soit maladroits soit complétement idiots tandis que les gadgets mis à disposition de notre espionne improvisée frisent le ridicule sinon l’inutile. Ce second degré permanent, cette volonté de détourner les codes pour mieux se les réapproprier Spy en fait son mantra. Capitalisant davantage sur le comique de situation que l’humour parodique, le film enchaine deux heures durant situations rocambolesques et punchlines bien senties à un rythme frénétique. Et si l’on se délecte de voir Jason Statham et Jude Law jouer de leurs images avec un plaisir communicatif, il faut bien reconnaitre que le film perdrait beaucoup de son pouvoir d’attraction sans la présence de l’ouragan Melissa McCarthy. Car oui, Spy n’existe que par et pour la muse de Paul Feig qui ne rate pas une occasion de la mettre en valeur même dans les situations les plus embarrassantes. On appelle ça l’amour vache ! L’un et l’autre ont depuis Mes meilleures amies trouvé leurs créneaux et ne cessent de le creuser. Si l’expérience était moyennement convaincante dans Les Flingueuses faute à un manque d’ambition certain (surtout dans l’écriture), elle se révèle ici beaucoup plus réussie grâce notamment à la présence de seconds couteaux délicieux, certes pas assez exploités mais suffisamment présent pour donner à Spy ce petit grain de folie qui fait la différence. De quoi faire partiellement sortir le film de l’ornière dans lequel n’importe quel autre yes man l’aurait retranché. Spy aurait facilement pu tomber dans l’écueil de la grosse comédie en insistant lourdement sur le physique hors normes de son héroine et se cacher derrière un discours politiquement correct sur le droit à la différence.

 

20th Century Fox
20th Century Fox

 

Non, ici le comique ne vient pas tant du fait que notre apprentie espionne soit enveloppée ou même que ce soit une femme mais bien qu’elle n’a aucune expérience du terrain. Et le film de faire méchamment tomber les clichés non pas en s’affirmant féministe (ce qu’il est certes) mais comédie avant tout. Après tout la femme est un homme comme les autres (et inversement) et ça Feig l’a parfaitement assimilé, faisant même de cette « contre vérité » son cheval de bataille comme un pied de nez à la bienséance qui voudrait que chaque différence s’identifie telle quelle. Ici, être femme n’est pas un handicap mais un fait. Et toc ! Et dans le genre « chien dans un jeu de quilles » force est de reconnaitre que la volcanique Melissa McCarthy en impose. Plus touchante mais tout aussi cash, la comédienne apporte une nuance supplémentaire au personnage de grande gueule qu’elle s’est forgée depuis quelques années et révèle une fragilité qui n’est pas sans rappeler son personnage de redneck « bigger than life » dans Tammy. Reste que si Spy est le meilleur film de Paul Feig, il n’est pas exempt de défauts et on saura gré au cinéaste, aussi fasciné soit-il par sa muse, d’éviter de jouer les prolongations en se perdant dans d’interminables logorrhées verbales et autres running gag embarrassant. Plus ramassé et révérencieux au genre qu’il revisite, Spy aurait pu se révéler être un modèle d’efficacité comique. Il faudra se « contenter » d’une déclinaison supplémentaire à la Paul Feig certes meilleur que ses précédentes mais encore trop prisonnier de son concept à base de féminisation d’un genre. Saluons tout de même l’effort il reste très enthousiasmant et augure du meilleur pour le prochain Ghostbusters.

 

Encore trop prisonnier d’un concept que son auteur semble bien décidé à décliner à l’infini, Spy reste malgré tout le meilleur film de Paul Feig.