Un film de Park Chan-Wook. Avec Mia Wasikowska, Matthew Goode, Nicole Kidman. Sortie le 1er mai 2013.
Un gimmick interactif avec le hype « Tumblr » inévitable, une tension sexuelle malveillante, ou Nicole Kidman dessinée par le cinéaste du définitif Old Boy, inutile d’affirmer que ce Stoker intrigue… Et pourtant…
Note : 3/5
Lisse, érotique, précieux, sous-entendu, prétentieux, intriguant, prévisible, plastique… Difficile d’étiqueter avec certitude le nouveau rejeton du génial Park Chan-wook. Alternant autant les pépites inoubliables comme sa trilogie de la vengeance, J.S.A (à revoir de toute urgence !) ou 3 Extrêmes avec d’autres (mé)faits plus dispensables comme Thirst ou Je suis un cyborg, le producteur-scénariste aime brouiller les pistes et enfoncer les portes là ou on ne l’attend pas. Scénarisé par Wentworth Miller (souvenez-vous, le beau gosse de Prison Break à l’expressivité toute…relative), ce drame/thriller d’épouvante lorgne étonnamment vers nombres de ses illustres ainés. Alors que le réalisateur Sud-coréen nous avait convaincu d’une vraie « patte » n’appartenant qu’à lui ; il semble ici se contenter d’un hommage non emprunté aux plus illustres des pellicules angoissantes: de Spider à Les autres en passant par Dracula, Twin Peaks, ou Polanski. Ressemblant au fil des minutes à un vrai film de commande auquel P.C.W apporte (avec virtuosité) une ambiance pesante et un mystère savamment distillé, Stoker exige de la part du spectateur un vrai effort d’investissement sensoriel. Sombre histoire vue et revue de l’invité mystère au passé trouble contaminant la pureté de son nouvel environnement, Stoker vous l’aurez compris, ne brille pas forcément par son absence de manichéisme. Il n’est en effet besoin que de quelques minutes pour deviner la suite de l’intrigue, les gros sabots artificiels utilisés pour susciter l’émoi ou le twist final n’ayant déjà plus rien de surprenant… Et pourtant, l’histoire n’est pas si simple…

Réussissant à saupoudrer son énigme de quelques moments de poésie remarquables, le cinéaste parvient souvent à susciter l’indulgence plutôt que l’agacement tant la peinture ici dévoilée et l’interprétation subtile (efficace Mia Wasikowska) transpirent le travail et l’implication. Ainsi, et bien que le climax se révèle sans surprise et les divers rebondissements convenus, on se plait, quelques jours après le premier visionnage, à ne retenir que cette ambiance feutrée, cet entrebâillement de porte, ce regard furtif à travers le judas… Pour ces premiers pas à Hollywood, Park Chan-wook obtient donc la moyenne haut la main. Swinguant avec légèreté entre des thématiques aussi diverses que la rédemption, la faiblesse, la manipulation ou … Et oui, la vengeance, le metteur en scène nous offre donc ici un magnifique tableau d’une richesse visuelle assez exceptionnelle. Impossible toutefois de nier l’arrière goût amer et désagréable qui nous rappelle à chaque instant que la marâtre jouée par Kidman effectue un équilibre très difficile (la retenue) mais n’est ni Kathy Bates dans Misery, ni Bette Davis dans Qu’est il arrivé à Baby Jane ?… Difficile donc d’adouber sans réserve ce rêve éveillé Victorien ou même atemporel bien qu’il demeure comme une odeur de souffre après l’expérience Stoker. Un film imparfait donc, plastiquement remarquable, mais dont le manque d’écriture et la frilosité risque de faire sombrer dans les bras de Morphée nombre de bonnes intentions. Une agréable carte postale en somme mais sans signature.Grotesque, exigeant, intime, dérangeant, Hitchcockien, vide, obsessionnel, intemporel, Stoker avance à pas de loups sur une partition feutrée malsaine mais convenue.
Malgré ses bonnes intentions (et notamment plastiques), le film ne dépasse pourtant jamais le niveau d’un bel écrin tant son manque de contenu et surtout d’un véritable parti pris thématique l’empêche de tutoyer les sommets du genre. Un joli film mais qui méritait mieux.