Critique : Sucker Punch

Un film de Zack Snyder. Avec Emily Browning, Abbie Cornish, Vanessa Hudgens. Sortie le 30 mars 2011

 

Zack Snyder délaisse hiboux virevoltants et super héros névrosés pour filer les collants de demoiselles aussi belles que dangereuses. Sucker Punch (littéralement « coup bas »), film qui porte bien son titre ? Oui et non…

 

Note : 3/5

 

« Femmes je vous aime » pourrait être le sous titre de Sucker Punch. Pas certain cependant que Snyder se soit inspiré de Julien Clerc pour conter l’histoire de Babydoll (Emily Browning) jeune fille à l’imagination fertile enfermée dans un asile  de fous par un beau-père violent et fourbe. Non, en l’état Sucker Punch a plus des airs de Skunk Anasie mariée aux émulsions rock d’un Nine Inch Nails. C’est dire si le film fait dans la dentelle. Mieux vaut laisser au vestiaire toute volonté de se laisser transporter par de doux songes cinéphiliques d’une nuit de printemps. Sucker Punch est à l’image de son instigateur : turbulent !

 

Emily Browning dans Sucker Punch de Zach Snyder

 

Quiconque est déjà familier de la méthode Snyder ne sera pas étonné de retrouver la même formule à base de ralentis dilatés à l’extrême et autres exactions visuelles à faire décoller la rétine du plus blasé des spectateurs. Les autres découvriront avec joie (ou horreur) un cinéaste jusqu’au-boutiste à l’esthétisme exacerbé situé quelque part entre le blockbuster buriné et une conception somme toute picturale du cadre. Cette recette, que d’aucuns diraient éprouvée au fil du temps, ne détonne guère dans les univers construits ici. Au contraire, elle trouve dans le cas présent un écrin de choix car totalement soumise aux velléités d’un auteur maitrisant plus que jamais son style. Méchas, ambiance steampunk à tous les étages, les multiples tableaux (au sens littéral du terme) dessinés par Snyder parleront forcément aux sales gosses bercés par les cases bouillonnantes du défunt magazine Métal Hurlant. A la franche lisière entre générosité sans bornes et mégalomanie très appuyée, le cinéaste croise les genres et les arts, dresse d’inattendus ponts entre eux au point d’en faire cohabiter certains au sein d’une seule et même séquence. Multipliant les emprunts divers et variés, Snyder réussi à les diluer dans un ensemble cohérent et en totale adéquation avec une identité visuellement et narrativement très marquée, égrainée au fil de l’eau via une filmographie où chaque métrage ambitionne constamment de surpasser le précédent. Un brillant travail de digestion dans lequel chaque plan rivalise avec l’autre en terme de maestria visuelle. A cela s’ajoute une bande originale explosive uniquement composée de remixes. Un détail qui a son importance dans la mesure où le métrage joue constamment sur cette notion en réinventant à l’extrême plans d’une incroyable ampleur et multiples strates narratives.

 

 

Jena Malone, Abbie Cornish et Vanessa Hudgens dans Sucker Punch de Zach Snyder

 

 

Immense fantasme couché sur pellicule, Sucker Punch bénéficie en outre d’un joli casting duquel se détache tout particulièrement la très belle Abbie Cornish (Bright Star). Troublant sosie de Nicole Kidman, l’actrice enchaine les poses de badass comme autant de pieds de nez adressés à une gente masculine trop souvent raccrochée à l’image de l’action hero viril et tatoué jusqu’à la moelle. Car oui n’ayons pas peur des mots : derrière son imagerie très porno chic où se télescopent lolitas, maitresse SM et autres bad girls dans une ambiance très ouatée, Sucker Punch demeure un film profondément féministe, une ode à la femme dont la plus grande force réside dans sa capacité à encaisser là où n’importe quel homme aurait déjà flanché ou sombré dans la psychose la plus profonde. Pour aller plus loin on pourrait même dire que Snyder a pondu sa propre version de Chicago, comédie musicale dans lequel une femme emprisonnée pour meurtre trouvait un exutoire dans ses rêves. Sauf que là où le personnage de Renée Zellweger nourrissait des fantasmes de chanteuse têtes à claques, celui interprété par Emily Browning (Les Intrus) se voit plutôt femme d’action dérouillant tout ce qui bouge avec ses copines dans une ambiance post apocalyptique. On est loin de Sex &The City !

 

Abbie Cornish dans Sucker Punch de Zack Snyder

 

Cependant, aussi fou et audacieux soit- il, le film de Zack Snyder n’en demeure pas moins imparfait. A commencer par une construction trop linéaire (voire répétitive) en dépit de son apparente complexité. En juxtaposant les réalités alternatives, le réalisateur empêche au spectateur de prendre ses marques et l’embarque de facto dans des univers qu’il identifie dores et déjà comme factices. Une structure de poupées russes le coupant de toute implication émotionnelle, car  rapidement obligé de composer avec des personnages ne le rattachant à aucune réalité tangible. A vouloir trop en faire, le réalisateur multiplie les mises en abyme. Seulement voilà : trop de film tue le film ! Ainsi, on pourra dire que la liberté de Snyder sert le film autant qu’elle le phagocyte.  Dommage, car avec un peu plus d’âme, Sucker Punch aurait pu être un très grand film. Pour l’heure il faudra se « contenter » d’un brillant exercice.

 

Aussi jouissif que frustrant, Sucker Punch en impose visuellement et émerveille de par la richesse de ses multiples univers. Dommage que l’émotion ne suive pas, on aurait frôlé le chef d’œuvre !