Critique : Thor

 

Un film de Kenneth Branagh. Avec Chris Hemsworth, Nathalie Portman, Anthony Hopkins. Sortie le 27 avril 2011.

 

Le dieu du Tonnerre s’offre une petite virée sur grand écran sous la direction de Kenneth Branagh. Un film de super héros complètement marteau ?

 

Note : 3,5/5

 

Il est grand, fort et blond… non je ne parle pas de moi mais de Thor, fils d’Odin et souverain en devenir du royaume d’Asgard. Un héros particulier de l’écurie Marvel puisqu’il est issu d’un folklore 100% européen. Pas question de s’adonner ici à un cours magistral, sachez seulement que dans la mythologie germanique, Thor n’est autre que le dieu du tonnerre, protecteur des hommes face aux forces du chaos. Rien que ça ! Le personnage crée par Stan Lee et Jack Kirby en 1962 s’inspire directement de cette  légende, allant jusqu’à reprendre nombre d’éléments bien typiques comme le Mjöllnir, célèbre marteau dont Thor se sert pour faire bobo à tous ceux qui auraient le malheur de lui taper sur le système ! Cependant, Marvel a décidé ici d’abandonner certains éléments un peu nébuleux du comic original pour mieux se recentrer sur le parcours initiatique de son héros. Guerrier belliqueux et arrogant, Thor défie une fois de trop son père qui l’exile sur Terre histoire de lui apprendre les bonnes manières ! Déchu et réduit à l’état de simple mortel, il traine son spleen divin sur notre belle planète bleue tandis qu’à l’autre bout de la galaxie, son frère Loki ourdit un odieux complot.

 

Chris Hemsworth dans "Thor" de Kenneth Branagh

 

A l’image d’un certain Tony Stark, Thor sera confronté à une série d’épreuves qui révéleront le héros qui est en lui. Un leitmotiv chez Marvel qui trouve ici des résonnances particulières via la présence derrière la caméra de Kenneth Branagh, cinéaste « classique » s’il en est, plus habitué à filmer les joutes verbales et amoureuses de protagonistes d’un autre temps qu’à capturer les combats homériques de personnages défiant toutes les lois physiques et naturelles. Luttes de pouvoir, relations père/fils contrariées, batailles épiques et langage châtié… à bien y regarder, l’univers de Thor n’est finalement pas si éloigné de celui de Branagh tant il contient nombre d’éléments promptes à titiller sa fibre de grand tragédien. Au fond, qui mieux que le réalisateur du romanesque Henry V pour sonder les turpitudes de figures à la fois royales et divines en lutte constante contre des ennemis aussi intimes que dangereux ? Situé dans les profondeurs très aériennes d’Asgard –planète chérie de notre petit dieu qui deviendra grand- Thor prend les atours d’une grande tragédie au sens noble du terme où guerre et famille sont inextricablement liées. Pas facile à transposer dans un contexte 100% S.F. mais Branagh a l’intelligence d’y apporter une touche délicieusement intemporelle, un peu comme si Hamlet s’était invité sur la planète Krypton. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, Thor est avant tout un film de personnages aux dualités somme toutes cornéliennes. Moins béotien qu’il n en a l’air, Thor cache une sensibilité à fleur de peau  à l’image d’Odin dont l’apparente sévérité dissimule une sagesse emprunte de désillusion. Face à eux, Loki est sans doute le plus ambivalent d’entre tous puisqu’à travers ses actes ce sont avant tous les liens qu’il entretient avec son frère et son père qui sont mis en exergue. Ils forment tous trois un savoureux triangle dont la violence des rapports fait écho à celles des batailles émaillant le métrage.

 

Chris Hemsworth et Tom Hiddleston dans "Thor" de Kenneth Branagh

 

Un lyrisme que l’on ne retrouve malheureusement pas lorsque notre héros traine ses guêtres sur Terre, son cheminement d’être humain faisant bien pâle figure à coté de ses introspections royales. La partie terrienne n’intéresse clairement pas Branagh dont le cœur et la caméra palpitent au rythme des enjeux éminemment shakespeariens se dessinant à Asgard. Il faut dire que le Nouveau-Mexique et ses rednecks c’est quand même bien moins classe qu’une planète peuplée de dieux anciens ! D’où un déséquilibre flagrant à mesure que le film alterne entre les deux mondes : tandis que le destin d’Odin renvoie à celui de Jules César, celui de Thor repose uniquement sur son statut d’outsider et le décalage qui en résulte. Pas désagréable en soi, d’autant que Chris Hemsworth campe un dieu du tonnerre très convaincant et ne manquant pas de magnétisme. Mais sa romance trop neurasthénique avec Nathalie Portman et l’indigence des seconds rôles (mention spéciale à Stellan Skarsgaard venu apporter la caution « nordique ») donnent une impression d’acte manqué. Pas vraiment étonnant de la part d’un réalisateur peu à l’aise avec les cadres plus « contemporains ». Statique tant au niveau de l’émotion que de l’action, l’escale très terre à terre de ce super héros pas comme les autres, apparaît dès lors comme un long prologue au futur The Avengers. Passée cette frustration, Thor demeure un divertissement très honnête à mi chemin entre le drame S.F. et le blockbuster héroïque. Un plaisir à savourer de préférence en 2D, la 3D n’apportant strictement rien hormis un bon mal de crâne !

 

Pari risqué que ce Thor, heureusement Branagh parvient à lui insuffler un joli souffle épique. Dommage que la partie terrienne traine la patte !