Critique : Time out

 

Un film d’Andrew Niccol. Avec Justin Timberlake,Amanda Seyfried, Cillian Murphy. Sortie le 23 novembre 2011.
 
Un thriller futuriste où ses Roméo et Juliette ont à peine le temps d’être cohérents : Niccol sait bien meubler les temps morts, mais peut-il tenir la distance ?
 

Note : 2,5/5

 

Pour son dernier opus, le réalisateur Andrew Niccol est parti d’une application très littérale de l’expression « le temps, c’est de l’argent ». Son nouveau film se déroule dans un univers où les unités temporelles sont monnaie d’échange et où chaque seconde de survie compte, jusqu’au décompte final. Réparti manifestement de façon aussi inégale que notre monnaie, le temps y est partagé en divers « fuseaux horaires » rigoureusement isolés les uns des autres, et organisés selon la richesse « chronologique » de ses habitants. D’un côté, celui des travailleurs du ghetto de Dayton, qui « perdent leur vie à la gagner » (aucun d’entre eux n’a manifestement connu mai 68) afin de repousser leur date d’expiration, et de l’autre, celui des fortunés de New Greenwich qui ont du temps à revendre. Dans cet univers étrange et désolé, deux mondes vont entrer en collision, incarnés respectivement par Will Salas (Justin Timberlake) et Sylvia Weis (Amanda Seyfried). L’équilibre supposé  entre leurs microcosmes et la justice du système de répartition vont être remis en question lorsque par un mystérieux coup de fortune, Will va voir son rapport au temps basculer de façon surprenante… D’un point de vue esthétique, les murs gris sale de Dayton tout comme les baies vitrées  – semblant suspendues dans l’air ambiant- des espaces opulents de New Greenwich trahissent un réalisateur au goût prononcé pour les atmosphères aseptisées et l’environnement à l’esthétique futuriste. Une impression qui se renforce quand on jette un œil à la filmo d’Andrew Niccol, responsable notamment d’autres œuvres se déroulant dans une réalité « améliorée », où des mondes sensiblement différents se côtoient sans se toucher. A l’image d’Uma Thurman dans Bienvenue à Gattaca ou encore Rachel Roberts dans S1m0ne,  le personnage d’Amanda Seyfried s’inscrit aisément dans la lignée des femmes à la beauté glacée frôlant le surnaturel dans un contexte d’évolutions technologiques d’un futur plus ou moins proche . Après l’eugénisme du premier ou l’anthropomorphisation numériques du second, Time Out aborde ici le même genre de thématique d’avant-garde dans lequel son créateur met à nu les failles d’un système en apparence infaillible.

 

© 20th Century Fox

 

Mais ce parti-pris esthétique peut avoir un effet pervers : en effet, l’accumulation de plans larges dévoilant des paysages aussi minimalistes que désolés, fait que le spectateur se retrouve parfois avec l’impression de regarder une longue publicité dans laquelle tous les moyens sont mis en œuvre pour mettre en valeur les produits que l’on souhaite lui vendre.  Bien qu’elle soit parfaitement en accord avec l’aspect déshumanisé de cette planète étrangement scindée, cette atmosphère glaciale aux odeurs de désinfectant s’érige par moments comme une barrière entre l’écran et le spectateur, empêchant parfois ce dernier de « rentrer » complètement dans l’univers de Time Out. Si Le film de Niccol semble pavé de bonnes intentions, cela n’est pas toujours suffisant, car comme le précise le fameux dicton, l’enfer l’est également. Et si Time Out est loin d’être aussi insupportable que l’antre de Satan, il s’avère douloureux à suivre par moments, quand l’excès de zèle face aux impératifs de la production prend le pas sur la cohérence du scénario, et le réalisateur semble perdre le contrôle de son sujet. Les pistes intéressantes sur la réflexion économique et la résolution de l’intrigue semblent rapidement passer au second plan pour privilégier le grain de peau parfait et le cheveu impeccablement coiffé des protagonistes.

 

© 20th Century Fox

 

Justin Timberlake, dont la réputation de chanteur/acteur le plus talentueux de sa génération n’est plus à faire, et Amanda Seyfried, passée des seconds rôles dans des comédies teenage (Mean Girls, un classique) à ceux de beauté fatale en tête d’affiche (Chloé , Le Petit Chaperon Rouge), n’ont jamais l’indécence  de laisser couler leur rimmel ou de froisser un pan de chemise lorsqu’ils tentent d’échapper à leurs agresseurs lors de leur cavale hors des fuseaux autorisés. Quant au reste du casting pourtant talentueux (Cillian Murphy, Vincent Kartheiser), ils semble cantonné à des rôles archétypaux et sans grand intérêt.En conclusion, s’il part d’une bonne idée de base, et aurait pu offrir une réflexion intéressante sur la lutte des classes sociales – surtout lorsque sa date de sortie en fait un film cruellement d’actualité avec la situation économique en crise actuelle, force est de constater que Time Out, tout comme la plus belle fille du monde, ne peut donner que ce qu’il a. En effet, le film s’essouffle rapidement à partir de la seconde partie, les protagonistes s’empêtrant quelque peu dans leurs courses-poursuites contre la montre ; et le regard perçant de Sylvia Weis ainsi que son carré brun savamment effilé, s’ils assurent avec brio la part esthétiquement agréable du film, font peu pour la cohérence de sa structure narrative.
 

Un bel effort, mais c’est un peu court jeune homme : si Time Out s’avère divertissant, le spectateur reste quelque peu sur sa faim.