Critique : Touristes

 

Un film de Ben Wheatley. Avec Alice Lowe,  Steve Oram, Eileen Davies.  Sortie le 26 décembre 2012.

 

Le réalisateur de Kill List croque méchamment dans la pomme du politiquement correct et nous offre un road movie forcément… décalé !
 
 

 Note : 3,5/5

 

Quelques mois après l’intriguant Kill List, Ben Wheatley nous emmène pour une nouvelle ballade dans les recoins les plus sombres de l’âme humaine. Dans Touristes, il nous présente Tina et Chris, couple fraichement formé qui décide de partir pour un petit week end en amoureux. Mais comme Wheatley n’est pas du genre à ménager ses personnages, il va semer tout un tas de petites embuches (touristes négligents, ados bruyants…) qui auront tot fait de transformer cette escapade amoureuse en road trip sanglant. Autant dire que le politiquement correct va en prendre un sacré coup… de pelle ! Plus second degré que Kill List, Touristes n’en demeure pas moins aussi noir voire plus que son ainé de par sa tendance à ancrer son récit dans un quotidien qui rappelleront aux plus malchanceux les campings imposés avec les parents.  Et si Wheatley laisse de coté le sérieux papal de son précédent métrage, la volonté de saisir le spectateur par l’entremise d’une ambiance anxiogène reste bien présente mais diluée à travers le filtre de la comédie noire. La grande force du métrage réside justement dans son habile dosage entre rire et malaise, tendresse et indignation. Comment ressentir un minimum d’empathie pour un couple de tueurs ? Facile, faites en des gens comme nous ! Affreux, écolos et très méchants, Chris et Tina n’ont rien à envier aux personnages de Dino Risi et se trimballent en sus un lot de névroses à faire palir d’envie n’importe quel psy. Elle est un peu vieille fille sur les bords, docile et naive, lui est du genre gros nounours un peu obsessionnel, ils étaient faits pour s’entendre surtout que leur couple semble pleinement épanoui lorsqu’il était marqué par le sceau du meurtre bien sanglant et cradingue. Non, Touristes n’est pas qu’une énième farce c’est aussi une version bariolée de Tueurs Nés démontrant que sous le vernis de la posture so british, nos amis anglais sont des ordures comme les autres !

 

© Le Pacte
© Le Pacte

 

Wheatley dresse un portrait peu reluisant de la société anglaise non seulement à travers Chris et Tina (pour lesquels il semble avoir une affection certaine) mais aussi par l’entremise de la brochette de quidams émaillant leur parcours meurtrier. Moins exubérant que God Bless America, Touristes reste un formidable baromètre sociétal et enragé qui se fait fort d’analyser l’être humain sous toutes les coutures dès lors qu’il se voit isolé des barrières sociales.  On regrettera toutefois que le film peine à trouver son souffle. A trop marcher sur la même mécanique, Touristes finit par tourner en rond dans son dernier quart et a tendance à se répéter là où il avait maintes occasions de se renouveler. Dommage car il y avait là moyen à être encore plus incisif et original. Pas de quoi bouder son plaisir, ce que Touristes a à raconter il le fait plutôt bien et de manière concise en dépit de quelques redondances. On retiendra entre autres péripéties animalières et sexuelles, des personnages attachants, une inclinaison certaine pour le mauvais gout et un nihilisme  à toute épreuve. Le camping pour ces deux maniaques de l’ordre est loin d’être une villégiature, pour le spectateur non plus mais il a le grand mérite d’être drôle et souvent bien vu… le pire c’est que vous pourriez vous y reconnaître !

 

Méchant, drôle et atypique, Touristes est un voyage singulier qui risque de faire vaciller l’image de l’anglais propre sur lui. Chiche !