Critique : Trishna

 

Un film de Michael Winterbottom. Avec Freida Pinto, Riz Ahmed, Kalki Koechlin. Sortie le 13 juin 2012.

 

Trishna éreinte deux institutions majeures dans une Inde où l’individu se confronte au système : la famille et le couple. Peut-être un peu présomptueux ?

 

Note : 2/5

 

Evaluer la production d’une culture à l’opposé de la nôtre s’avère de bien des façons un exercice délicat. D’autant que Trishna se revendique comme la représentation parfaite d’une Inde en pleine mutation, confrontée au dilemme du maintien des traditions et de l’attrait envers la modernité, à l’image du capitalisme occidental. Nous sommes pourtant loin, très loin des clichés bollywoodiens et autres stéréotypes accolés à ce pays dont nous ignorons tout ou presque. Du folklore indien, le réalisateur n’a conservé que le format grandiose de la fresque et la place prépondérante de la danse dans l’existence de l’héroïne. En réalité, Trishna s’apparente davantage aux Andromaque ou Bérénice des grandes tragédies grecques et attribue au film un aspect baroque. Ce personnage d’origine modeste qui, à la suite d’un accident de voiture, est contraint de subvenir aux besoins de sa famille et part travailler dans une structure hôtelière détenue par un riche héritier, va poursuivre un chemin de croix.

 

Trishna de Michael Winterbottom
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Bientôt amants, nos Roméo et Juliette fuient pour vivre leur amour passionnel au grand jour et conquérir la capitale, jusqu’au moment où tout bascule et les ramène au point initial. Trishna change alors de registre et la caméra, braquée sur la jeune femme, s’attache à la traiter comme l’allégorie d’un clivage géographique et social – entre mondes rural et citadin ainsi qu’entre deux classes distinctes – sensiblement plus profond. Le paysage s’impose en effet comme le troisième protagoniste de l’histoire, dont le pouvoir, telle la fatalité qui s’abat sur les hommes, est omniscient et omniprésent. Le point d’orgue du long métrage symbolise l’affranchissement avorté face à la famille puis au couple et ainsi voué à l’échec face à l’implacable altérité et à un régime profondément ancré dans ses coutumes.

 

Réemployer le schéma linéaire des grandes tragédies grecques, en le transposant dans l’Asie actuelle, n’est pas du ressort de tous. Encore faut-il savoir tirer les ficelles sans sombrer dans l’ennui du déjà vu et revu…