Critique : Tu seras mon fils

 

Un film de Gilles Legrand. Avec Niels Arestrup, Lorant Deutsch, Anne Marvin. Sortie le 24 aout 2011.

Niels Arestrup et Lorant Deutsch se cherchent des poux sous le soleil meurtrier de Saint Emilion. Clash générationnel en perspective !

 

Note : 3,5/5

 

Il y a quelques mois, Les yeux de sa mère soulevait de manière très (trop ?) précieuse le douloureux problème de la maternité refoulée. Sur le même thème, Tu seras mon fils joue les prolongations mais de manière beaucoup plus frontale. Aux errances des personnages du film de Thierry Klifa semblent ici répondre des mots tranchants comme l’acier d’un impact inouï. Comme si la déclinaison au masculin induisait forcément une plus grande violence représentée ici par la sempiternelle figure du père castrateur. Un rôle sur mesure pour Niels Arestrup qui trouve ici une occasion supplémentaire d’exploser dans un rôle de délicieux salopard. Décidément impérial en monstrueux « modèle » paternel, l’acteur renoue avec la subtilité et le magnétisme du superbe De Battre mon cœur s’est arrêté. Et si le métrage de Gilles Legrand a plus d’un atome crochu avec le chef d’œuvre de Jacques Audiard, la comparaison s’arrête là, les deux films sondant les relations père/fils de manière radicalement différente. Dans le rôle du rejeton rejeté, Lorant Deutsch exprime une fragilité à fleur de peau, constamment dans la confrontation que ce soit face à son étouffant patriarche ou au nouveau venu  (Nicolas Bridet) venu exploser malgré lui une cellule familiale déjà bien chancelante. Ce dernier bras de fer entre le fils indigne et le fils prodigue rajoute au malaise ambiant tandis que l’opposition Arestrup/Deutsch interroge la notion même de transmission quand celle-ci décide de passer outre les lois de la génétique. Comme quoi, le génome ne fait pas tout !

 

© Universal Pictures France

 

Qu’est qu’un père ? Qu’est ce qu’un fils ? Des questions basiques et très scolaires que le film explore de manière très dérangeante sans jamais donner de réponse satisfaisante. Ici, rien n’est édulcoré et la beauté des cépages (merci à la superbe photo d’Yves Angelo) fait écho à la brutalité des sentiments, le tout marié dans une ambiance de douce contradiction où rien ne semble marcher comme il faut. Le père rejette son fils avide de reconnaissance et d’affection,  tandis que de l’autre coté le fossé entre un fiston distant mais aimant et son paternel mourant se creuse de plus en plus. Et alors que Tu seras mon fils aurait pu très bien tomber dans le piège de la permutation, il préfère isoler deux de ses personnages pour mieux les poser comme victimes de l’immense égoïsme des personnes sensés les aimer par dessus le tout. On regrettera au final que le propos se voit parfois trop surligné au gré des piques assenées par Arestrup. Le bonhomme faisant parti des grands on comprend aisément que le réalisateur lui donne un max de présence. Comme on dit faute avouée à demi pardonnée. Dès lors on se rend compte que derrière les tirades foudroyantes de l’acteur se cache un autre intérêt majeur. Situé dans l’univers impitoyable de la culture viticole, le film fait preuve d’une très grande rigueur renvoyant l’image d’Epinal véhiculée par Ridley Scott dans Une Grande Année au rang de grosse blague ! Legrand sait de quoi il parle et ça se voit, chaque image suintant d’un amour véritable pour ce métier o combien complexe et riche. Une sincérité qui confère au film un coté solaire inattendu.

 

Bien que prévisible, Tu seras mon fils questionne de manière assez fine les fondements mêmes de la transmission par le prisme d’une relation père/fils chaotique et destructrice. Un bel affrontement à la fois beau et terrifiant.