Un film de Philippe Lefebvre. Avec Roschdy Zem, Sara Forestier, Samuel Le Bihan. Sortie le 4 janvier 2012.
Roschdy Zem affronte les démons de minuit dans la chaleur de la nuit. Prêts à embarquer ?
Note : 3/5
Ces derniers mois, le petit monde du polar français a connu de légères secousses sismiques avec Les Lyonnais (magnitude 7 sur l’échelle du film noir) et Nuit Blanche (encéphalogramme presque plat malgré quelques remous). L’année 2012 va t elle démarrer sous de meilleures auspices avec Une Nuit ? Tout dépend de votre conception du genre. Sorte de « vis ma vie de flic de la mondaine », Une Nuit nous plonge dans le quotidien du commandant Simon Weiss alors qu’il entreprend une de ses sempiternelles tournées nocturnes. A priori rien de bien excitant d’autant que contrairement au récent plantage de Frédéric Jardin (Nuit Blanche pour ceux qui n’auraient pas suivi !) le film de Philippe Lefebvre ne joue pas la carte de la surenchère hystéro et préfère dérouler une vraie ambiance de film noir. Ici, points de scénario prétexte à des défouraillages en règle mais plutôt un examen au microscope du monde de la nuit entre bars minables et clubs à l’atmosphère plus ouatée. Il en résulte une virée nocturne ponctuée de non événements comme autant de prétextes pour découvrir un Paris interlope à la faune insolite. Du travelo attachant au dandy dealer en passant par les videurs au grand cœur, chacun passe de manière fugace ou insistante sous l’œil d’une caméra en immersion. Une approche différente qui exerce un doux pouvoir de fascination sur le spectateur.

Dommage toutefois que cela se fasse au détriment d’une intrigue légère comme un ticket de métro usagé. Trop occupé à explorer la ville dans ses moindres recoins, le réalisateur oublie d’impliquer le spectateur au sein d’une histoire dans laquelle il pourra vibrer un minimum. Certes on comprend vite que le film tend à démystifier la figure du flic via d’incessants va et viens comme une difficile routine consumant l’être humain mais une action plus présente n’aurait pas fait de mal. D’autant plus dommage qu’il a presque toutes les cartes en main pour rendre cette nuit inoubliable notamment à travers le tandem Roschdy Zem/ Samuel Le Bihan à cheval entre fraternité et adversité. Une vraie tragédie grecque à l’heure où le polar français se rapproche plus de Julie Lescaut que de 36, ça avait franchement de quoi faire baver. Et s’il y a bien un autre aspect à retenir d’Une Nuit c’est bien son casting duquel émerge un Le Bihan particulièrement sobre. Le reste de la clique est à l’avenant que leurs apparitions soient ponctuelles (Jean Pierre Martins) ou fugace (Richard Bohringer qui en un monologue cristallise tout le cœur du métrage). Et si l’on déplore quelques effets de manche facile (le twist final aussi téléphoné qu’invraisemblable), Une Nuit illustre à merveille cette maxime totalement fantasmée : « la nuit tous les flics sont gris ».
Faussement statique mais vraiment intéressant, ce « Paris Dernière version flics » un poil trop sobre aurait gagné à se reposer davantage sur ses enjeux dramatiques.