Dossier : La 8eme Nuit Excentrique

 

Il est des nuits qu’on oublie pas et pour les amateurs de mauvais films sympathiques la plus emblématique se déroule une fois par an à la Cinémathèque Française . Compte rendu azimuté par Aurélien, notre Jack Bauer du nanar !

 

19h30: Une centaine de personnes patiente devant les accès de la salle Henry Langlois, discutant de la future soirée à venir et des perles cinématographiques qu’ils ont déjà pu voir par le passé. L’occasion d’évoquer leurs souvenirs de la précédente Nuit Excentrique et d’échanger leurs astuces pour ne rien rater.  Rusés, les irréductibles nanardeux en profitent pour planifier à l’avance du meilleur film à choisir pour s’accorder un piquage de nez en règle.  Car la nuit s’annonce longue, avec rien moins que quatre films d’exception : Le Sadique à la Tronçonneuse, Ilsa Gardienne du Harem, Le Führer en Folie, et enfin Le Gang des Crapules (Ninja in Action). Le tout entrecoupé des fameuses Cuts Excentriques de Nanarland, éternel acteur principal de cet évènement.

 

© Aurelien Laidebeur

 

20h17 : La salle est comble, les affiches des participants au concours pour choisir celle qui devait représenter la 8e nuit excentrique ornent les murs de la salle, les gens occupent le moindre siège, la tension est palpable et tout le monde bouillonne d’impatience. Nous sommes accueillis par Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque Française, affublé d’une magnifique cravate en parfaite harmonie avec la soirée, puisque décorée de silhouettes de ninja. Le ton est donné. Il se remémore avec le public l’histoire de la NE, crée a l’origine pour fêter le déménagement de la cinémathèque de Chaillot à Bercy, et qui avait été un énorme succès, contre toute attente. Nous voilà prêt a (re)découvrir le pire du cinéma, annonçant avec humour que non, toutes les civilisations ne sont pas égales quand il s’agit du 7ème art.
Après un bref résumé de ce qui nous attends, il ouvre officiellement la soirée en lançant les premières bandes annonces et la première partie des Cuts Excentriques. On peut entendre dans la salle les premiers bruissements de sachets plastiques de biscuits, bonbons et autres joyeusetés, les gens se mettent à l’aise pour une bonne vieille soirée vhs popcorn.

 

21h38 : Jean François Rauger nous fait la présentation du Sadique à la Tronçonneuse (Mil Gritos Tiene La Noche) de Juan Piquer Simon présenté dans une version fraichement restaurée par la Cinémathèque de Madrid, en VO sous-titrée. « Comme quoi il n’y a pas qu’en France qu’on fait n’importe quoi avec l’argent du contribuable », s’amusera-t-il a souligner. Le Sadique est un film qui a surfé sur le succès de Massacre à la Tronçonneuse en reprenant deux éléments clés : la tronçonneuse, et la destruction corporelle. On suivra donc l’enquête de la police de Boston qui court après un dangereux maniaque passant son temps à découper des jeunes filles isolées sur un campus étudiant. D’une relative bonne facture, malgré une bande son répétitive, on suit tout de même le scénario jusqu’au moment où le voile est levé sur l’identité du meurtrier. Et non sans rire. En effet, des éléments sortent de nulle part et déclenchent des crises d’hilarité générale dans la sale. Notamment le running gag des brancardiers, présents sur chaque scène de crime, posant méthodiquement les bouts de membres sur leur brancard, ou encore cette scène de nuit voyant l’apparition nawesque d’un sosie de Bruce Lee ! Fausse frayeur, juste le prof de kung fu du héro qui faisait son jogging nocturne. Egalement, la scène du café empoisonné, assez improbable de par le jeu des acteurs, laissera un souvenir marquant dans la mémoire du public. Le léger problème technique concernant le sous-titrage du film n’aura en rien gâché la projection, les spectateurs en profitant pour doubler eux-mêmes les acteurs avec un grand sourire aux lèvres.

 

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23h : Première pause de la soirée, pendant une bonne demi heure les gens échangent leurs premiers avis sur le film, éclats de rire, reprise de la bande son, l’ambiance est excellente, les participants sont heureux d’être là, et profitent de la cafétéria de la Cinémathèque pour se préparer à la suite.

 

23h40 : La soirée reprend, tout le monde est présent dans la salle, Jean François Rauger fait son retour sur scène et annonce la liste des gagnants du concours d’affiche. Il laisse ensuite sa place aux membres de Nanarland qui lancent le premier quizz de la soirée avec les traditionnelles questions sur la connaissance des nanars, basé sur des titres de film ou des taglines improbables, pour finir sur un Quelle est cette chanson ? avec des reprises de films indiens.

 

 

00h50 : Le moment est venu de voir enfin Ilsa, Gardienne du Harem, de Don Edmonds, 1976. L’occasion d’apprendre quelques anecdotes croustillantes. En effet, saviez cous qu’’Ilsa est une trilogie, et que le premier opus, se déroulant dans un camp allemand lors de la seconde guerre mondiale, à été en parti tourné dans les décors de la série Papa Schultz ? Ilsa Gardienne du Harem nous raconte l’histoire d’Ilsa, une gardienne de harem maniant aussi bien le fouet que toute sorte de tortures originales, mais ne désespérant pas de trouver son prince charmant. Celui-ci arrivera d’Amérique sous les traits de Max Thayer, figure emblématique du nanar, dans le rôle d’un agent secret dragueur qui finira par mettre Ilsa dans de biens sales draps. On retiendra surtout de ce film la scène d’émasculation  d’un garde un peu trop tenté par les possessions plantureuse du Sheik par deux guerrière africaines, et le grand final du film, où les balles fusent dans tous les sens, les figurants jouent très mal la mort, et les acteurs sur jouent tellement la colère que nous sommes tordus de rire dans nos fauteuils, la larme a l’oeil.

 

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02h36 : 2ème pause les gens commencent à bailler un peu, mais la salle se vide très peu. La buvette ne désemplie pas, et l’ambiance reste au beau fixe malgré les premiers signes de fatigue.

 

03h30 : La soirée se poursuit, troisième session de quizz, de cuts excentriques, et d’extraits, toujours plus hilarants les uns que les autres, et qui nous font regretter de ne pas avoir connu les salles obscures dans les années 60-70.

 

04h10 :  L’heure est grave. Nous nous apprêtons a attaquer LE film de la soirée. Celui que la cinémathèque a le plus hésité a diffuser. J’ai nommé Le Führer en Folie, de Philippe Clair, sorti en 1974. On apprend que le film avait été vendu aux journalistes comme un anti-dictature absolu, pour les dissuader d’être dictateurs de peur que l’on se moque d’eux.  Le Führer en Folie, c’est un peu l’Histoire revisitée. En fait Hitler était un fan de foot, et a réglé tout ses conflits et invasions sur le terrain de foot. Quand trois glandeurs de l’armée française refusent de s’entrainer pour préparer le match décisif, sont envoyés en Allemagne pour capturer Hitler et sont finalement eux-mêmes capturés par les Allemands en se faisant passer pour des champions du ballons ronds, rien ne va plus. Et là, c’est l’avalanche. Des le début on sait que ça va être du non-stop et qu’il va falloir s’accrocher. Le générique sur la chanson de Topaloff, suivi de Michel Galabru jouant un ancien arbitre suisse allemand a l’accent tout sauf convaincant, expliquant en quoi Hitler était footeux, tout tout tout est trop. Dans un pur style cartoonesque et grand guignolesque, Philippe Clair nous explose littéralement le cerveau. Ca s’enchaine de gags en gags, tous plus absurdes les uns que les autres, on a beau se dire non, il va pas oser faire ça, nous savons très bien que si, il va le faire, et il le fait ! A tel point que rapidement, on ne sait plus ce qu’on regarde, et on se retrouve lobotomisé devant cette corne d’abondance de gags idiots. Sans pause. Jusqu’au bout. Et en jetant un regard dans la salle, on se rend compte que c’est douloureux… très douloureux pour tout le monde. Pas loin de la moitié s’est endormi, tandis qu’une autre partie reste prostrée, tandis que les derniers sont, eux, toujours cérébralement actifs et semblent même réussir a suivre le déroulement du film. Chapeau bas !

 

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05h36 :  La projection du Führer est a peine terminée et la lumière même pas rallumée que les gens commencent a se ruer a l’extérieur de la salle. Nous avons trop besoin d’air frais après cette expérience traumatisante et plaisante a la fois. Le grand public n’est pas encore prêt pour le Führer en folie… Mais le public n’est pas abattu, au contraire, ils vont se chercher un grand café en chantant a tue tête la chanson de Topaloff, ballon, ballon ballon ! Mais ce break est grandement apprécié, et tout le monde a l’air d’attaque pour finir la soirée.

 

06h00 : La dernière partie de la soirée commence, et en force d’ailleurs, avec un super lancé de cravate de Jean Francois Rauger qui fera un heureux dans la salle. Contrairement a d’autres NE où j’ai pu aller, je suis heureux de constater que la salle est encore pratiquement pleine, seuls quelques sièges par ci par là n’ont plus d’occupants. Tout est prêt pour la vague finale de Cuts Excentriques et de bandes annonces.

 

 06h30 : Le moment est venu de lancer le dernier film de la soirée, Le Gang des Crapules (Ninja in Action), de Godfrey Ho, sorti en 1987. Exemple frappant du film “2 en 1”: le réalisateur avait acquis une bobine d’un film quelconque asiatique avec des ninjas, et s’en est servi de base pour sortir un film tout neuf a moindre coût, en limitant le tournage de nouvelles séquences. Il en résulte un mix totalement improbable. Assez exceptionnel… surtout quand on a Louis Roth et Stuart Smith, qui se contenteront de parler au téléphone la plupart du temps. Encore plus incroyable, le scénario tient assez bien la route malgré le mélange de bobines, j’ai trouvé ça assez fort. On découvre donc un gang de ninja voleurs de diamants, et un couple de touristes réclamant vengeance après le meurtre d’un proche par des  ninjas. Un bon vieux film de ninja quoi. Mais avec des moments qui restent gravés dans la mémoire. A l’image de cette scène d’anniversaire rythmée par une salle en folie chantant à l’unisson, ce n’est pas rien ! Mais encore mieux, Stuart Smith en bourreau de ninja. Ayant échoué a toutes ses tentatives pour obtenir des informations de son prisonnier, il va dégoter un livre sur l’acuponcture et tenter le coup avec sa compagne pour s’en servir contre le malheureux prisonnier, pour finir par le tuer bêtement. Magique. On appréciera également a sa juste valeur nanarde le grand final Stuart Smith / Louis Roth, digne des films ninja improbables.

 

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08h44 : C’est l’heure du bonus. La seule et unique séance de bandes annonce pornographiques, toutes plus risibles les unes que les autres. On retiendra notamment Les Affamées du Mâle, et Vicieuse, Experte, Sensuelle. Un grand moment de cinéma.

 

09h04 : Fin de la nuit. Le public encore nombreux se lève et quitte tranquillement la salle pour terminer cette longue nuit autour du petit déjeuner offert par les organisateurs. L’ultime occasion pours les amateurs de nanars de se remémorer l’ensemble de l’expérience cinéphile qu’ils viennent de traverser. Du suspens, du mauvais goût, de la musique répétitive, de grands éclats de rire, une participation quasi interactive avec les 4 films qui nous ont été encore une fois servis sur un plateau d’argent. Finalement, hormis le film de Philippe clair – définitivement unique – l’ambiance à été quasiment continue du début à la fin, de 20h à 9h. De quoi briller en société et se faire remarquer en dîner mondain, avec toutefois le risque de passer pour un dangereux malade qui vois dans un doublage de 3ème zone une preuve de génie de production… La Nuit Excentrique, c’est un fait établi, en plus d’être une excellente soirée baignant dans la bonne humeur, est une institution pour nous autres, amateurs de films improbables.

 

Merci à Elodie Dufour de la Cinémathèque Française et à toute l’équipe de Nanarland.com